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ne sera donc plus surpris de voir à Rome le vin se conserver parfaitement bien dans une cave peu profonde, creusée dans les débris d’une ancienne fabrique de poterie. Tous ces morceaux mal joints les uns aux autres, laissent passage à l’air, & établissent un courant continuel qui entretient la fraîcheur, en augmentant l’évaporation. On obtiendra le même effet par la disposition de deux, trois, ou quatre moulinets semblables à ceux dont on vient de parler, & ils seront très-avantageux aux caves trop peu profondes, & qu’on ne peut creuser.

Toutes ces précautions en général sont assez inutiles pour les pays élevés, comme Langres, Clermont, Riom, Limoges, &c. en un mot, pour les climats trop froids où la vigne ne peut point croître.

Il est rare que la chaleur de leur souterrain quelconque excède dix degrés, & l’intensité du froid n’y est pas assez forte pour que le vin en soit altéré, à moins qu’on ne prenne aucune précaution pour y fermer les portes, les soupiraux, de manière que la température de ces caves est toujours à-peu-près au dixième degré, qui est le terme convenable pour perpétuer la fermentation insensible. Les plus petits vins se conservent dans de pareilles caves, y acquièrent de la qualité ; les bons vins y deviennent excellens, & se conservent tels pendant une longue suite d’années.

Avant de finir cet article, il me paroît intéressant de détruire un préjugé. On ne cesse de dire & de répéter que les caves sont fraîches en été & chaudes en hiver ; il n’en est rien. L’expérience prouve que la chaleur y est à-peu-près la même dans les deux saisons. J’ai démontré que la meilleure cave étoit celle où la chaleur se maintenoit à dix degrés, & que plus elle s’éloignoit de cette température, moins la cave étoit bonne. Pour se convaincre de ce point de fait, il suffit d’y descendre un thermomètre, de l’y laisser, & l’on verra la vérité de ce que j’avance. Nous jugeons seulement relativement à nous : notre corps est exposé, en été, à la chaleur de l’atmosphère, qui est de vingt à vingt-cinq degrés, & la chaleur de notre sang augmente en raison de celle de l’atmosphère. Ainsi, lors que nous entrons dans une cave, nous éprouvons un degré de fraîcheur, parce qu’elle n’est qu’à dix ou douze degrés. En hiver, au contraire, lorsque le froid de l’atmosphère est de douze à quinze degrés au-dessous de la glace, nous trouvons la cave chaude, puisqu’elle est à dix degrés au-dessus ; mais dans l’un & dans l’autre cas, ce n’est pas la température de la cave qui change, c’est notre manière de sentir qui est différente suivant les circonstances ; car la chaleur d’une bonne cave ne diffère, en ces deux saisons, que d’un à deux degrés.

III. De la disposition d’une cave. Elle doit être pourvue de tous les outils nécessaires pour la conduite des vins, & d’endroits ménagés exprès, afin d’éviter le chaos & la confusion. On a tort de faire en bois les chantiers sur lesquels reposent les tonneaux ; & encore plus de les faire ordinairement trop bas. Je dirois au grand propriétaire de vignobles, ou au gros négociant en vin : Faites ces chantiers en maçonnerie, donnez-leur une épaisseur convenable, suivant l’espèce de vaisseaux dont vous vous servez ; enfin, élevez ces chan-