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lécules de la liqueur, & ne peut pas s’échapper ; c’est lui qui est le lien des corps, & le conservateur des liqueurs spiritueuses ; dès qu’il s’échappe, dès qu’il est échappé, le vin est décomposé & pourri. Les vins de Champagne, de Bourgogne, &c. sont plus soumis aux variations de l’atmosphère que les premiers, parce qu’ils contiennent plus de phlegme, & par conséquent moins de principes sucrés. Les sirops bien faits ne fermentent point.

Il résulte de ce qui vient d’être dit, que plus un vin contient de phlegme, & moins de parties spiritueuses & sucrées, plus il a de tendance naturelle à se décomposer, & que cette tendance est augmentée & centuplée par les variations de l’atmosphère qui agissent perpétuellement sur lui. Ces principes sont prouvés par l’expérience, & ils sont incontestables. On doit en tirer ces conséquences : pour conserver les vins, il faut donc les soustraire aux variations de l’atmosphère ; il faut donc empêcher, autant qu’il est possible, que la fermentation insensible soit altérée, puisque c’est de son prolongement que dépend la bonté du vin. Les caves, saines & bonnes préviennent tous les inconvéniens. C’est la cave qui fait le vin ; ce proverbe est rigoureusement vrai, & il s’étend même jusque sur la fabrication des fromages.

Un champenois, un bourguignon, trouveront sans doute extraordinaire que j’aie insisté sur la nécessité d’une bonne cave ; mais quel sera leur étonnement, lorsque je leur dirai que dans les provinces les plus méridionales & les plus chaudes du royaume, on ne connoît pas les caves, & que le vin est fermé dans les celliers, tandis que plus la chaleur d’un pays est forte, plus les bonnes caves y deviennent nécessaires.

I. Quelle doit être la profondeur d’une cave, la hauteur de sa voûte & la disposition de ses soupiraux, pour qu’elle soit bonne ? S’il existe un feu central, hypothèse qui a servi à échaffauder de grands systêmes, il sembleroit résulter que plus une cave seroit profonde, plus elle seroit chaude, & par conséquent moins propre à conserver le vin. Il est vrai que toutes les fouilles faites par la main des hommes sont bien peu de chose en comparaison de l’énorme diamètre de la terre ; mais si effectivement il existoit un feu central, son action seroit nécessairement plus sensible, à mesure qu’on s’enfonceroit profondément en terre, puisque cette masse de feu, supposée toujours constante, toujours la même, devroit agir toujours également & se faire sentir par degré du centre à la circonférence. Or, il est démontré, par les recherches des physiciens, qu’à quelque profondeur de la terre que l’on soit parvenu, le thermomètre s’y est constamment soutenu à dix degrés & un quart de chaleur, à moins que des causes purement accessoires n’aient changé cette température ; & ce terme de dix degrés est précisément celui, ainsi que je l’ai observé plusieurs fois, auquel commence la fermentation tumultueuse dans la cuve, ou du moins lorsque ses premiers signes se manifestent. On verra bientôt la connexion qui se trouve entre cette seconde observation & la première. Creusons des caves, & laissons l’hypothèse du feu central pour ce qu’elle est. (Voyez les mots Chaleur & Feu central)

La profondeur d’une cave dépend