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espèce de petites carpes qu’on avoit apportées depuis peu de Hambourg en Angleterre. Il en disséqua une des huit, & montra à M. Sloane l’ovaire avec son conduit. Il fit ensuite l’opération de la castration sur une seconde, en lui ouvrant l’ovaire, & remplissant la peau avec un morceau de chapeau noir. La carpe châtrée ayant été remise dans l’eau avec les six autres qui restoient, parut, pour le moment, nager avec un peu moins de facilité qu’elles. Le nom de ce pêcheur est Samuel Tull. Peu à peu cette cruelle découverte se répandit en Angleterre ; & les papiers anglois ne tardèrent pas à la divulguer. En voici le précis.

Samuel Tull châtre les poissons mâles & femelles ; & quoiqu’on puisse faire l’opération dans toutes les saisons, la moins favorable est celle qui succède à l’époque du frai, parce que le poisson est alors trop foible & trop languissant. Le tems le plus commode est lorsque les ovaires des femelles sont remplis de leurs œufs, & que les vaisseaux du mâle, qui sont analogues à ceux-ci, sont garnis de leur matière séminale ; car pour lors on les distingue plus sûrement d’avec les uretères qui charient l’urine des reins dans la vessie, & qui sont situés près des vaisseaux de la semence, de chaque côté de l’épine. On pourroit aisément, si on y faisoit bien attention, les prendre pour les ovaires, sur-tout lorsque ces derniers sont vides. Quand le poisson a frayé pendant quelques semaines, il est tems de faire l’opération ; car de même que les poules, ils ont de petits œufs dans les ovaires, aussi-tôt qu’ils ont déposé leur première ponte d’œufs.

Quand on veut châtrer un poisson, il faut le tenir dans un morceau de drap mouillé, le ventre en haut : ensuite avec un canif bien tranchant, dont la pointe est courbée en arrière, ou avec quelqu’autre instrument fait exprès, l’opérateur fend les tégumens de la coiffe du ventre, en évitant avec soin de toucher à aucun des intestins. Aussi-tôt qu’il a fait une petite ouverture, il glisse adroitement son canif crochu, avec lequel il dilate cette ouverture depuis les deux nageoires de devant jusqu’à l’anus. Au moyen de ce que le dos de l’instrument n’est pas coupant, il évite aisément de blesser les intestins. Ensuite avec deux petits crochets d’argent qui ne piquent point, & à l’aide d’un assistant, il tient le ventre du poisson ouvert, écarte soigneusement d’un côté les intestins avec une spatule ou une cuiller. Quand ils sont écartés, on apperçoit l’uretère, qui est un petit vaisseau placé à-peu-près dans la direction de l’épine ; & en même-tems, l’ovaire, vaisseau plus gros, paroît immédiatement devant, & plus proche des tégumens du ventre. On prend ce dernier vaisseau avec un crochet de la même espèce que les précédens, & le détachant par un côté, assez pour ce qu’on veut faire, on le coupe transversalement avec une paire de ciseaux bien tranchans, en observant toujours de ne point blesser, ni endommager les intestins.

Quand on a ainsi coupé un des ovaires, on procède de la même manière pour couper l’autre ; après quoi on recoud les tégumens séparés du ventre avec de la soie, en observant de faire les points de suture rapprochés les uns des autres.