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pressant moins, on avance beaucoup plus sûrement. Soulevez doucement les ouïes avec un linge doux ; essuyez leur base avant de mettre le poisson dans l’eau fraîche, la nature fera le reste. Ce mucilage m’a paru graisseux, & très-difficile à dissoudre par l’eau.

L’opération dont je viens de parler est suffisante, lorsque la carpe n’a pas resté un tems trop considérable hors de l’eau ; mais si on desire la transporter au loin, ainsi qu’on le pratique pour les carpes si renommées du Rhône, du Rhin, de l’étang de Caniers, près de Boulogne en Normandie, on ne réussira pas. Voici une méthode qui ne laisse rien à desirer, & facilite leur transport.

Prenez trois planches de la longueur du poisson : une servira de base, & les deux autres seront clouées sur les côtés, & placées perpendiculairement : garnissez la base avec des herbes fraîches & molles : placez le dos de la carpe sur ces herbes, & qu’elle ait le ventre en l’air. Dans cet état, elle sera couchée mollement sur les herbes, & ne pourra faire aucun mouvement, puisqu’elle sera retenue dans toute sa longueur par les planches de côté. Avant de la coucher, soulevez doucement ses ouïes, & dans leur ouverture, placez un morceau de pomme pelée, qui n’occupe pas toute la capacité. Ce morceau de pomme les tiendra soulevées, & laissera à l’air un libre passage, & l’animal respirera sans peine.

Si la durée du voyage excède les vingt-quatre heures, il est nécessaire de tirer la carpe de sa niche deux fois par jour, d’enlever doucement les morceaux de pomme, de la plonger dans l’eau, de lui donner à manger, & de la laisser reposer pendant quelques heures. Lorsqu’il faudra continuer la route, on prendra toutes les précautions déjà indiquées. On est assuré, par ce moyen, de conserver pendant plusieurs jours la vie d’une carpe ; & elle aura si peu souffert dans la route, que si, en arrivant, on la jette dans un vivier, elle nagera tout de suite. Je parle d’après ma propre expérience.

Une personne bien digne de foi, m’a assuré, qu’au mariage de M. le comte d’Artois, on apporta à Paris une carpe pesant plus de 30 livres, pêchée dans le Rhin ; mais que les maîtres-d’hôtel ayant trouvé son prix trop haut, la renvoyèrent à Strasbourg, d’où elle venoit, & qu’elle y arriva vivante… A-t-on suivi dans cette occasion la méthode que j’ai indiquée ? Je l’ignore. Si on en connoît une plus simple & plus sûre, je prie de me l’indiquer.

J’invite ceux qui demeurent au bord de la mer, de faire des tentatives en ce genre sur les poissons volumineux qu’on y pêche. Comme le gluten qui se forme au bas de leurs ouïes, est plus visqueux & plus tenace que celui des poissons d’eau douce, l’animal est plutôt asphyxié. Il faudra donc commencer l’opération du moment même qu’il sort du filet. Je prie également d’avoir la bonté de me communiquer les expériences que l’on fera en ce genre.

II. Du Carpeau. Est-ce une espèce distincte de la carpe, ou bien, est-ce simplement une carpe mâle, privée des parties de la génération ? M. de la Tourette, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences de Lyon, qui s’applique si utilement à l’étude de toutes les branches de l’histoire naturelle, a donné la solution de ce problême. Je vais tirer de son