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thode de tirer les carottes de terre, étoit avec une fourche à quatre branches. Un homme ouvre, avec cet instrument, la terre à la profondeur de six ou huit pouces sans endommager les carottes ; un petit garçon le suit, les ramasse & les met en tas.

» Je remarquai que toute espèce de bestiaux mangeoient les choux avec autant d’avidité que les raves, & que s’étant accoutumés insensiblement à manger les carottes, ils commençoient à les préférer aux choux. Je conduisis d’abord les choux & les carottes, & ensuite les carottes & les raves du champ où ils avoient crû, dans un enclos ; & là, sans autre préparation que d’en secouer un peu la terre, je les dispersai sur le sol, afin que le bétail pût manger le tout ensemble.

» Le premier troupeau nourri de cette façon, étoit de douze bœufs & de quarante moutons qui n’avoient pas encore deux ans, une vache & une génisse de trois ans ; enfin, j’y ajoutai dix-sept bœufs venus d’Écosse.

» Je dois observer ici, qu’après avoir consommé ma provision de choux, j’employai pendant quelques jours une charge de raves, ce qui, avec trois charges de carottes, suffisoit pour nourrir tout ce bétail. De-là, je pouvois conclure avec raison, qu’une charge de carottes équivaut, à peu de chose près, à deux charges de raves, & aucun fourrage n’engraisse autant le bétail que les carottes. Cette nourriture leur répugne un peu dans le commencement ; mais dès qu’ils y sont accoutumés, ils la préfèrent à toute autre.

» La grande quantité de carottes que j’avois cultivées, me fournit encore l’occasion d’essayer quel avantage on en retireroit si on les donnoit à manger aux vaches, brebis, chevaux & cochons, que l’on garde dans les écuries.

» Ce fut au mois d’Avril que je trouvai à propos d’économiser un peu le produit des carottes de neuf ou dix arpens, & de n’employer que ce qu’il falloit absolument pour achever d’engraisser mes bœufs, & je venois de finir ma provision de raves. Le bétail que j’avois alors se montoit à trente-cinq vaches & à un troupeau de quatre cens vingt brebis.

» Ce fut alors que je tâchai de trouver un moyen de tirer mes carottes de la terre avec moins d’embarras & plus de vîtesse que je ne faisois auparavant : je me déterminai à me servir de la charrue à petit soc. Comme elle va doucement, comme le soc ouvre la terre, il y a peu de racines endommagées. Le versoir fait sortir de la terre la plupart des carottes, & la herse finit par les enlever. Il est impossible qu’il ne reste pas toujours quelques carottes enfouies dans la terre, mais comme aussi-tôt après que cette récolte est levée, il faut labourer le champ & le herser, alors ce qui reste est ramené sur la terre, & on y conduit le bétail qui n’en laisse aucune. De cette manière, rien n’est perdu.

» L’expérience m’a prouvé que les vaches donnent beaucoup plus de lait, un beurre de meilleure qualité, & qu’elles, ainsi que les brebis, se portent beaucoup mieux. Cet avantage est encore manifeste sur les agneaux qui naissent dans cette saison.