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que l’évaporation ne soit excessive, & causée par un vent impétueux ou par une chaleur dévorante. Un seul arrosement par irrigation pénètre plus profondément la terre que ne le feroit l’eau de dix à douze arrosoirs vidés successivement. L’irrigation nécessite à serfouir plus souvent.

Tenir le terrain frais, est la loi qu’il faut suivre ; l’arrosement est par conséquent soumis à la température du climat que l’on habite.

IV. Des manières de blanchir les cardons. Voici celles décrites dans le Traité des Jardins déjà cité. Depuis le mois d’Octobre, on lie & on empaille successivement de huit en huit jours quelques-uns des plus beaux pieds pour les consommer trois semaines après. Lorsque les gelées commencent à se faire sentir, on les lie tous sans les empailler, & on les butte de sept à huit pouces. S’il survient en Novembre quelques gelées un peu fortes, on jette dessus de la litière, des cosses de pois, &c. Enfin, lorsqu’en Décembre on prévoit les grandes gelées, il faut lever en motte tous les pieds de cardons, les transporter dans la serre, les y planter dans du sable, leur donner de l’air toutes les fois qu’il est doux. Ils y blanchissent sans paille, & dans une bonne serre il s’en conserve jusqu’en Avril. On peut ne les point planter dans le sable ; mais les ranger debout l’un devant l’autre contre un mur de la serre, les visiter souvent, les nettoyer de toutes les feuilles pourries, & retirer pour la consommation ceux qui paroissent les plus avancés ; mais il est rare & difficile d’en conserver aussi long-tems ; cet usage ne convient qu’aux maraîchers.

Lorsqu’on n’a pas une serre pour loger les cardons, on suit une autre méthode. Par le mot serre, on n’entend pas parler d’une serre chaude, ni d’une orangerie, mais d’un bas, d’un endroit à l’abri des gelées, & même d’une trop grande humidité qui pourriroit plutôt les cardons qu’elle ne les blanchiroit. On peut faire dans un terrain très-sec, une tranchée profonde de trois pieds, large de quatre pieds, & de longueur proportionnée au nombre de plants de cardons. À un bout de la tranchée, on fait un chevet de longue paille ; c’est-à-dire on tapisse, on couvre ce bout de la tranchée de deux ou trois pouces de longue paille. Contre ce chevet, on place debout trois ou quatre pieds de cardon, levés en motte, de sorte qu’un pied ne touche point l’autre. On fait un second chevet qui couvre ce premier rang ; on y place un second rang de cardon, & ainsi de suite, ayant attention de laisser l’extrémité des feuilles à l’air, tant que la rigueur du froid n’oblige pas de couvrir toute la surface de la tranchée avec de la paille & avec des paillassons inclinés, pour empêcher les pluies & les neiges de pénétrer. Cet expédient est fort bon ; le suivant vaut encore mieux.

Troisième méthode. Dans un terrain sec, ouvrez une tranchée de trois pieds de profondeur sur cinq de largeur & de longueur, proportionnée au besoin. Jetez sur le bord de la tranchée, des côtés du nord, du levant & du couchant, toutes les terres qui sortiront de la fouille ; plombez-les bien, & disposez-les