Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/593

Cette page a été validée par deux contributeurs.

neuve, couverte de neuf à dix pouces de terre & terreau passés à la claie & bien mêlées ; le laisser sur cette seconde couche qu’on réchauffe dans le besoin, jusqu’à ce qu’il soit assez fort pour être mis en place. Ces couches peuvent être occupées en même tems par d’autres plantes, telles que les raves, les laitues, &c. Cependant il est plus sûr de semer ces graines dans des pots à œillets, remplis de bonne terre mêlée de terreau, & de placer ces pots dans une couche : lorsqu’elle n’a plus de chaleur, on les transporte dans une autre. Dans un pot de cette capacité, le plant trouve de quoi se nourrir & se fortifier jusqu’à ce qu’on le mette en place, & il est plutôt en état d’y être mis que celui dont les progrès ont été interrompus & retardés par les transplantations. Il faut faire une troisième couche de fumier consommé, chargé d’un pied de bonne terre mêlée & passé à la claie, avec moitié ou tiers de terreau, suivant que la terre est plus ou moins bonne & meuble. Lorsque sa grande chaleur est passée, il faut, à deux pieds & demi de distance, y planter en échiquier, les jeunes pieds de cardon, & les couvrir chacun d’une cloche (s’ils ne sont pas sous châssis) jusqu’à ce qu’ils soient bien repris (s’ils sont en pots, on les dépote & on les place sans rompre ni altérer leur motte ; comme ils ne souffrent aucun dérangement ni ébranlement, ils n’ont point à reprendre, ni par conséquent besoin d’être couverts de cloches ni de vitrages). Étant en place, on attache des gaulettes à des fourchettes plantées sur les bords de la couche, pour soutenir des paillassons dont il faut couvrir le plant pendant les jours froids & les nuits. On donne ordinairement quatre pieds & demi de largeur à cette dernière couche, & on la réchauffe au besoin, si la saison ne s’adoucit pas. On peut semer quelques légumes entre les cardons.

Cette méthode est praticable à Paris, où le fumier de littière est si abondant, que le propriétaire est obligé de payer pour le faire enlever. Elle est encore praticable chez les grands seigneurs, à qui rien ne coûte ; mais par-tout ailleurs, l’achat des fumiers, la façon des couches coûteroient vingt & trente fois plus qu’on ne vendroit les cardons de primeur. Il vaut mieux manger chaque chose dans sa saison, conserver les engrais, & les employer dans les terres à grain.

Il faut souvent mouiller le plant, soit pour l’empêcher de monter en graine, soit pour augmenter ses progrès. À mesure que chaque pied a acquis la grosseur & la force nécessaires, on le lie avec trois ou quatre liens de paille par un tems sec ; ensuite on l’empaille jusqu’à l’extrémité des feuilles exclusivement, avec de la paille neuve, ou mieux encore, avec de la grande littière qu’on lie pareillement avec des liens de paille ou d’osier bien serrés. Environ trois semaines après, le cardon est blanc & bon à être employé, ce qui arrive ordinairement en Mai.

Pour éviter les épines du cardon de Tours, deux hommes en face l’un de l’autre, le saisissent & l’embrassent par le pied, chacun avec une fourche de bois. Ils font glisser