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milles naturelles, mais nous sommes encore bien loin d’avoir fait cette découverte. Le caractère naturel des classes & des genres se prend dans les parties essentielles de la fructification ; on n’est pas également d’accord pour celui des espèces. M. Tournefort, dans l’établissement des caractères des espèces, rejette la considération de la fleur & du fruit, comme réservée à la détermination des genres ; & il admet l’examen, non-seulement du port, des feuilles, des tiges, des supports, des racines, mais encore lorsque ces signes paroîtroient insuffisans, celui de toutes les qualités sensibles, telles que la couleur, la saveur, l’odeur, la grandeur, la ressemblance à des choses connues, &c. Le chevalier von Linné au contraire rejette les dernières qualités comme incertaines, peu déterminées, vagues & sujettes à varier suivant la différence de la culture, du sol, du climat, de l’exposition & de plusieurs autres accidens, & en cela il a raison. Il veut qu’on distingue l’espèce d’une manière plus stable ; il admet l’unique considération de toutes les parties de la plante, que l’œil ou la main discernent constamment, dans chaque individu de l’espèce. Ces caractères, à la vérité, sont devenus plus nombreux depuis M. Tournefort, par la détermination d’un grand nombre de parties qui, de son tems, n’avoient pas été suffisamment observées, telles que les supports, les stipules, les glandes, les poils, &c. Il faut y ajouter les parties de la fructification elles-mêmes, que le chevalier von Linné considère aussi dans l’espèce, lorsqu’elles n’ont pas servi à déterminer le genre.

4o. Enfin le caractère habituel est celui qui résulte de l’ensemble, de la conformation générale d’une plante, de la disposition de toutes ses parties considérées suivant leur position, leur accroissement, leur grandeur respective, en un mot, suivant tous leurs rapports, qui s’apperçoivent au premier coup-d’œil. On connoît le caractère habituel plus particulièrement sous le nom de port, facies propria, habitus plantæ. Il n’a guère été employé qu’à la distinction des espèces ; M. von Linné a pensé néanmoins qu’il pourroit servir aussi à faciliter celle des genres ; M. Goüan, dans son Hortus Monspeliensis, l’a utilement employé sous le nom de caractère secondaire.

M. le chevalier de la Marck, dans ses Principes de Botanique, ou la Flore Françoise, ayant pris la base de son systême dans l’analyse, n’a aucun égard à la distinction des caractères que nous venons de développer ; il la croit même plus nuisible qu’avantageuse à l’étude des plantes, parce que, comme il le remarque très-bien, le même caractère qui aura servi à lier un certain nombre de plantes comprises dans une grande division, peut être employé encore pour lier d’autres plantes qui formeroient alors une division très-circonscrite, ou même pour séparer une espèce d’avec une autre. La nature nous met à chaque instant sous les yeux ces caractères ; pourquoi vouloir que ce caractère qui se multiplie souvent avec les plantes que nous découvrons, ne puisse servir que dans telle ou telle