Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/577

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bien en chair lorsqu’ils sont prêts à muer ; la mue diminue beaucoup leur embonpoint, mais leur maigreur n’est que passagère.

Les propriétaires d’un grand nombre de canes & de canards, trouvent dans leurs plumes un bénéfice assuré ; ils les plument de la même manière que les oies.

Lorsqu’on peut se procurer des œufs de canards sauvages, il est facile de les élever en les confiant à une poule. On trouve les nids dans les joncs, dans les bruyères qui avoisinent les pièces d’eau fréquentées par ces animaux. Ils restent alors dans l’esclavage comme les canards domestiques, surtout si on a eu le soin de leur couper le fouet, c’est-à-dire, la petite extrémité d’une des deux ailes. Sans cette précaution, ils s’envoleroient avec les canards sauvages qui séjournent habituellement dans le pays, ou qui y passent.

Il est encore avantageux d’élever, dans les basse-cours, le canard que quelques-uns appellent de Barbarie, les autres des Indes, & dont le vrai nom est le canard musqué. Il emprunte ce nom de l’odeur qu’il répand. Celui-ci, ainsi que sa femelle, est beaucoup plus gros que le canard domestique, il en diffère sur-tout par la tête. Les yeux sont entourés d’une peau nue, garnie de petits mamelons charnus, d’un rouge très-vif, & marqués de petits points blancs ; le bec est d’un rouge vif, si on excepte l’origine du demi-bec supérieur, tout autour des narrines, qui est brune, ainsi que l’onglet du bout du bec. La partie des jambes, dégarnie de plumes, les pieds & les doigts, ainsi que leurs membranes, sont rouges, & les ongles blanchâtres. La femelle est beaucoup plus petite que le mâle, elle en diffère par ses couleurs. En général, les couleurs des plumes de cette espèce de canard, varie beaucoup plus que celle des canards domestiques. Il y en a de tout blancs, de tout bruns, tirant sur le noir verdâtre, enfin, dont les plumes sont bigarrées de mille manières.

La chair de ces animaux, encore jeunes, est très-bonne ; & celle du mâle, après un an, sent trop fort le mâle.

La femelle est une bonne couveuse, on peut lui donner de quinze à dix-huit œufs.

Le mâle, accouplé avec une cane domestique, produit de vrais mulets, dont la chair est très-délicate, & plus fine que celle du canard musqué, & du canard domestique. Ce mulet est moins gros que son père, & plus gras que sa mère ; & jusqu’à présent on n’a pas vu qu’il fût en état de se reproduire. Lorsque l’on veut croiser ces deux races, il faut éloigner tous les canards domestiques. Il régneroit, sans cette précaution, entre ces mâles une guerre cruelle, qui finiroit souvent par la mort des combatans. Le canard musqué est hargneux, & jaloux à l’excès ; il s’attaque même aux dindes, aux coqs & à tous les oiseaux de basse-cour.

Le chant du canard, ou plutôt ses cris perçans, fatiguent les oreilles ; ceux du canard mulet sont semblables à une voix éteinte.

Il est utile de laisser aller de tems à autre les espèces de canards