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proie. Comme le canard est très-vorace, qu’il digère promptement, il a bientôt dépeuplé un réservoir.

Une cane pond communément de cinquante à soixante œufs ; il faut, il est vrai, la veiller de près dans le tems de la ponte, sans quoi on courroit les risques de perdre beaucoup d’œufs ; elle les dépose dans le moment par-tout où elle se trouve, même dans l’eau ; il vaut mieux la tenir enfermée pendant la ponte. Ses œufs sont de couleur verdâtre, plus gros que ceux des poules ordinaires, & moins délicats à manger. Le tems de la ponte est, suivant les climats, depuis la mi-Février jusqu’en Mai. Le tems de la couvée est de vingt-neuf à trente jours ; un mâle suffit à douze femelles ; il vaut mieux cependant ne lui en donner que huit à servir.

Si la cane est trop bien nourrie, elle couve mal ; il vaut mieux confier ses œufs à une poule, ou à une dinde, alors on sera assuré de la couvée. Lorsque la cane couve, on doit tenir près d’elle une nourriture convenable. Tous les alimens lui sont propres ; grains, légumes, herbages, rebuts de cuisine, chair, boyaux, son, recoupe de farine, &c. sont excellens pour appaiser sa faim. Quelques auteurs conseillent d’asperger d’eau une fois ou deux les œufs pendant que la cane les couve. Cette précaution est superflue & nuisible. Pourquoi vouloir renchérir sur la nature ? les animaux en savent plus que nous sur tout ce qui concerne la propagation & la conservation de leur espèce. On ne voit pas même le canard sauvage, déposer ses œufs dans l’eau ni dans un lieu humide ; d’où l’on doit nécessairement conclure que l’eau est inutile.

Si on fait couver une cane, on ne doit pas lui donner plus de douze à treize œufs. Quelques auteurs insistent encore sur ce nombre de treize, & je n’en conçois pas la raison. Il est nécessaire de tenir la cane dans un lieu couvert, à l’abri de la pluie & des vents froids. Lorsque les canetons sont éclos, ils sont sans plumes, & la trop forte impression du froid leur est nuisible. La nourriture des canetons pendant les premiers jours doit être de pain émié & imbibé d’eau. On en préparera peu à la fois, parce qu’il aigrit facilement ; quelques jours après, il convient d’y ajouter des herbes potagères cuites & hachées. Lorsqu’ils sont un peu forts, du son mouillé & des herbes crues & hachées suffisent ; enfin, du son & les criblures qui restent après avoir vanné les grains.

Il est plus prudent, ainsi qu’il a été dit, de confier à une poule le soin de la couvée, parce que dès que les petits sont éclos, la cane va à l’eau, les petits la suivent, & l’impression froide de l’eau en fait périr beaucoup. Les canetons un peu forts abandonnent bientôt cette mère adoptive ; leur penchant les entraîne vers l’eau ; ils y plongent ; la poule ne peut les y suivre, & témoigne par des cris & des gémissemens qu’ils ne comprennent pas, ses inquiétudes & ses alarmes.

La mue du canard est fixée à l’époque des tems de la couvée, & celle de la cane lorsque ses petits sont en état de se passer de ses soins. Le mâle & la femelle sont gras &