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Dès 1716, de jeunes plants élevés des graines de ce pied, furent confiés à M. Isembery, médecin pour le transport de nos colonies dans les Antilles ; mais ce médecin étant mort peu de tems après son arrivée, cette tentative n’eut pas le succès qu’on en attendoit. C’est à M. Declieux que nos îles ont l’obligation d’avoir formé de nouveau, en 1720, le projet d’enrichir la Martinique de cette culture. On doit à ses soins la réussite de ce second essai. Ce bon citoyen, pour lors capitaine d’infanterie & enseigne de vaisseau, s’étant procuré par le crédit de M. Chirac, médecin, un jeune pied de café, élevé de la graine du cafier, donné par M. Paneras, & conservé au jardin du roi, s’embarqua pour la Martinique. Il se trouva sur un vaisseau où l’eau devint rare ; il partagea avec son arbuste le peu d’eau qu’il recevoit pour sa boisson ; & par ce généreux sacrifice parvint à sauver le précieux dépôt qui lui avoit été confié. Ce plant étoit extrêmement foible, & n’étoit pas plus gros qu’une marcotte d’œillet. Arrivé chez moi, dit M. Declieux, mon premier soin fut de le planter avec attention dans le lieu de mon jardin le plus favorable à son accroissement. Quoique je le gardasse à vue, il pensa m’être enlevé plusieurs fois ; de manière que je fus obligé de le faire entourner de piquans, & d’y établir une garde jusqu’à sa maturité. Le succès combla mes espérances ; je recueillis environ deux livres de graines, que je partageai entre toutes les personnes que je jugeai les plus capables de donner les soins nécessaires à la prospérité de cette plante. La première récolte se trouva très-abondante ; par la seconde, on fut en état d’en étendre prodigieusement la culture. Ce qui favorisa singulièrement sa multiplication, c’est que deux ans après tous les arbres de cacao du pays furent déracinés, enlevés & radicalement détruits par la plus horrible des tempêtes. C’est de la Martinique que les plants de café furent envoyés dans la suite à Saint-Domingue, à la Guadeloupe, & aux autres îles adjacentes.

Ce fut à peu près dans le même tems que le café fut apporté à Cayenne en 1719. Un fugitif de la colonie Françoise, regrettant ce pays qu’il avoit quitté pour se retirer dans les établissemens hollandois de la Guyane, & desirant revenir avec ses compatriotes, écrivit de Surinam que si on vouloit le recevoir, & lui pardonner sa faute, il apporteroit des graines de café en état de germer, malgré les peines rigoureuses prononcées contre ceux qui sortoient de la colonie avec pareille graine. Sur la parole qu’on lui donna, il arriva à Cayenne avec des graines récentes, qu’il remit à M. d’Albon, commissaire ordonnateur de la marine, & qui se chargea de les élever. Ses soins furent couronnés par le succès. Les fruits que produisirent bientôt ces arbres furent distribués aux habitans, & en peu de tems la multiplication fut considérable.

La compagnie des Indes, établie à Paris, envoya en 1717 à l’île de Bourbon, par M. du Fougeret-Gremer, capitaine de navire de Saint-Malo, quelques plants de café