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étonnante ; chaque brin, gros comme le bras ou comme la jambe, s’élève dans l’espace de quelques mois, de quarante à cinquante pieds de hauteur. Lorsque les souches sont suffisamment espacées, elles peuvent produire jusqu’à cent jets & plus.

Pour défricher un terrain, on y brûle les plantes & les arbustes qui ont été arrachés, ainsi que les arbres abattus ; puis on laboure à la houe le plus profondément qu’il est possible, on ôte toutes les racines que l’on rencontre, & on applanit la surface.

Le terrain étant préparé, on prend les alignemens avec un cordeau divisé par nœuds, vis-à-vis de chacun desquels on plante un piquet, en sorte que tout l’ensemble forme un quinconce.

On garnit la cacaoyère, soit en graine, soit en plant ; le cacao se multiplie même de bouture à Cayenne, mais le succès en est beaucoup moins certain. Lorsque le terrain est déjà fatigué, ou qu’il est rempli de fourmis & de criquets, &c., on préfère d’y mettre du plant. Ce plant doit être un peu fort, afin que les insectes l’endommagent moins.

Tandis qu’on abat les arbres du terrain où l’on veut planter le cacao, on fait, le plus près qu’il est possible, une pépinière qui, n’occupant qu’un petit espace, peut être facilement garantie des animaux nuisibles. On doit choisir cette pépinière dans un endroit voisin de quelque rivière ou d’un marécage, afin de pouvoir l’arroser sans peine, car on la commence en été. On y met les graines à six pouces les unes des autres ; quelques mois après, c’est-à-dire vers le commencement de l’hiver, dès que les premières pluies ont humecté la terre à une certaine profondeur, on coupe la terre tout autour à trois pouces de chaque arbre, que l’on transporte ainsi dans des paniers à l’endroit qu’on lui a destiné. L’arbre peut avoir alors la grosseur du petit doigt, & deux ou trois pieds de hauteur. Avant de le planter, on rogne son pivot, s’il excède la motte ; sans cela, il se courberoit, & feroit périr l’arbre.

Dans les endroits où la terre n’a pas assez de corps pour pouvoir s’enlever ainsi que l’arbre, on élève les graines dans de petits mannequins remplis de terre & plus profonds que larges ; ensuite on transporte ces mannequins dans les trous de la cacaoyère. L’usage des mannequins a néanmoins quelques incommodités. Comme ils ne contiennent qu’une petite quantité de terre, la chaleur la pénètre & la desséche, ce qui fait que la graine ne se développe pas sitôt ni si bien qu’en pleine terre. On pourroit les tenir plongés dans d’autre terre, mais ils périroient promptement. Une autre incommodité de ces mannequins ou caurcouroux, est que si on tarde un peu à les transporter, les racines en sortent, & alors cet excédant est privé de nourriture, demeure exposé à la chaleur de l’air, & s’y desséche.

Les graines de cacao ne peuvent bien réussir que dans des terrains absolument neufs, parce qu’ils fournissent beaucoup moins d’herbe, & que la violence & la durée du feu qui a consumé les arbres a en même tems dissipé les fourmis, les cri-