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sujet qui nous a été envoyée d’Angleterre. Vous devez apporter toute l’attention imaginable pour faire des essais convenables, & pour effectuer ce que sa majesté desire…

On trouvera cette instruction très-sage au mot Turnips ; & c’est ainsi que le cultivateur doit être guidé & encouragé par son souverain. On ne manquera pas d’objecter que cette espèce de rave peut se plaire dans un pays, & non-pas dans un autre. L’objection peut être vraie, nommément pour cette espèce ; mais dans toute la France, on sème des navets plus ou moins gros, de gros radis, vulgairement nommés raiforts, qui tiendront lieu de turnips. En effet, quel est le but de cette opération ? ce n’est pas pour assurer une récolte de turnips, puisqu’en labourant on déracine le navet, & on l’enfouit dans la terre. Avant de faire passer la charrue, on laisse parcourir le champ par les troupeaux, afin qu’ils se nourrissent des feuilles de la plante ; & lorsqu’il n’en reste plus, ou presque plus, la charrue commence à travailler. On a le plus grand tort d’en agir ainsi, puisqu’on enlève à cette terre la moitié de la substance qu’auroient fournie la terre végétale, le terreau, la terre soluble, si utiles à la végétation. (Voyez Amendement). C’est une vérité dont la démonstration est, pour ainsi dire, géométrique, & qu’il faudroit presque répéter à chaque page de cet Ouvrage. (Voyez encore le mot Terre)

Dans nos provinces méridionales où croît l’olivier, on trouve la grande bruyère en herbe qui s’élève jusqu’à dix ou quinze pieds de hauteur ; ses jeunes branches offrent une nourriture assez passable pour les chevaux, pour les bœufs, pour les moutons. Elle est presque le seul aliment des chevaux & des bœufs en Corse.

En Danemarck on fait fermenter les bruyères dans l’eau, & on en extrait une espèce de bière qui est, dit-on, fort agréable au goût.

Les bruyères sont sur la fin de l’été d’une grande ressource pour les abeilles ; cette époque est celle de leur fleuraison. Quoique la fleur soit très-petite, elle renferme, proportion gardée, une assez grande quantité de miel : d’ailleurs, sur la même tige il y a un si grand nombre de fleurs, que la multitude supplée au volume.

Ceux qui sont voisins des pays à bruyères s’en servent pour chauffer leur four, & sur-tout pour la litière des moutons & des bœufs. On devroit cependant rejeter les tiges trop fortes ; elles peuvent blesser l’animal lorsqu’il est couché.

À Sailliès, dans le Béarn, on fait tremper pendant long-tems la bruyère dans l’eau salée qui sourcille de toutes parts, & on l’emploie ensuite comme engrais sur les terres. Cet usage peut être introduit dans les environs de Salins en Franche-Comté, & dans tous les endroits où l’on rencontre des sources salées. Si le pays ne fournit pas des bruyères, on peut les suppléer par des fougères, par des feuilles de noyer, de châtaignier, d’ormeau, de chêne, &c. Cet engrais, prudemment ménagé, est excellent ; le trop est préjudiciable pendant deux ou trois