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que le soleil du midi paroît durant les grandes gelées, toutes ces humidités fondent, & l’eau coule de branche en branche, depuis le sommet, sur la greffe & sur la tige, qui, par leur saillie, font une avance qui retient plus ou moins les eaux. À mesure que le soleil se retire, & que la gelée augmente, ces eaux se congèlent sur toutes ces parties mouillées, & par-tout on y voit une incrustation de verglas qui, prenant fortement sur la peau, la morfond, la gêle & la brûle. Le lendemain, le soleil dardant de nouveau, tant sur les nouveaux frimats de la nuit, que sur cette incrustation de verglas, fait fondre le tout de nouveau, qui également se congèle tant que dure la gelée forte. Or, ce sont ces dégels consécutifs & ces congélations réitérées qui brûlent les arbres des espaliers. Les autres arbres en plein air, & les buissons sur qui pareille vicissitudes ne peuvent avoir lieu, ne sont jamais brûlés.

Tous les arbres d’espalier à l’exposition du midi, sont brûlés en face du midi ; ceux qui sont à celle du levant, sont peu brûlés, mais seulement de côté, & même point ; mais ils le sont du côté où le midi frappe ; & ceux du couchant sont brûlés du côté opposé à ceux du levant, à l’endroit où le soleil darde quand il est à son midi.

Une autre observation bien importante encore à faire, c’est sur la brûlure & l’extinction presqu’annuelle de quantité de boutons ou d’yeux, à l’exposition du midi ; elle se manifeste suivant que la congélation dont il a été parlé a eu plus ou moins lieu. Voici, par rapport à ces boutons, ce qui se passe.

À tous les boutons ou yeux, il existe une petite éminence. Tous font saillie, & ils sont appliqués droits chacun sur la branche leur mère, & ils se terminent en pointe par le haut. Or, quand les humidités fondent & se congèlent, ainsi qu’il a été dit, celle qui entoure le bouton se congèle aussi, & alors elle ne fait qu’un avec cet œil & cette peau. Le germe de cet œil qui est un petit filet verd bien tendre, se glace bientôt, & par conséquent il faut que l’œil périsse.

Pour s’assurer du fait, il suffit de visiter l’œil dans le tems dont on parle, & on le trouvera incrusté d’un vernis de glace, qui le rend brillant comme une perle.

Dans certaines années où ces incrustations de glace ont lieu plus que dans d’autres, à cause de l’abondance des frimats, les pêchers exposés au midi sont tellement brûlés, qu’il est difficile de trouver un bon œil, & qu’on est contraint de tailler sur vieux bois.

Il y a une autre observation qu’on ne peut oublier. Lorsqu’autour de la tige des arbres on a mis de la paille, ces humidités coulant le long de la tige, & venant à se congeler sur la peau avec la paille, la gelée brûle bien davantage que si cette tige étoit isolée à nud. Le mal est grand, & les suites en sont fâcheuses. À tous les arbres maléficiés par la gelée & par l’incrustation du verglas, la gomme ne manque pas de fluer, elle cave & carie, & le chancre