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beaucoup de prudence & de précision dans le serrement. Le trop fait périr ; pas assez est inutile.

Quatrième genre de boutures. Prenons un oranger pour exemple. Choisissez sur l’arbre la branche que vous desirez, & qu’elle soit d’une année ; faites la ligature, & laissez former le bourrelet, ou bien à la place de la ligature, faites une incision, (voyez A, Fig. 7, Pl. 8, page 255), le bourrelet se formera ; au-dessous de ce bourrelet mettez de la terre bien meuble, que vous y retiendrez par le moyen d’un linge, & encore mieux avec un panier d’osier ou un vase de terre, de faïence, &c. & ayez soin de tenir cette terre arrosée, afin de l’empêcher de sécher. Au printems suivant, il poussera des racines à travers le bourrelet ; & lorsqu’elles seront bien formées, vous pourrez couper la branche au-dessous de la ligature, & la placer dans un plus grand vase, afin que les racines y travaillent avec plus de liberté. La réussite de ces boutures est très-casuelle dans les provinces méridionales, à moins qu’on n’arrose pendant l’été au moins deux fois par jour, & quelquefois plus souvent. Non-seulement la grande chaleur dissipe l’humidité, mais encore l’activité du courant d’air accélère l’évaporation d’une manière prodigieuse.

Cinquième genre de boutures. Il paroît démontré que les germes de toutes les plantes sont, pour ainsi dire, emboîtés les uns dans les autres ; que chaque portion d’un arbre est un arbre en miniature ; les graines, les boutures, les marcottes, les drageons, les greffes, &c. en sont la preuve. Le végétal ressemble au polype, dont chaque morceau a vie & forme un individu à part. Sur un arbre on peut prendre cent & cent greffes, sans que l’arbre périsse, & on peut couper un polype en cent & cent parties ; le tronc, le polype vivent, & les individus qui en sont séparés vivent également. On ne doit donc plus être surpris, si les feuilles mêmes sont susceptibles de fournir & de former des racines. Il n’en est pas tout-à-fait de ce procédé, comme de la bouture de la lentille d’eau ; elle végète sur la surface des eaux ; & par une opération spontanée, ses feuilles se détachent d’elles-mêmes ; chaque feuille détachée surnage, flotte, pousse des racines & de nouvelles feuilles qui se détachent à leur tour. Ici la nature fait tout ; là, l’art sollicite la réussite & aide à la nature.

Nous devons à l’excellent & patient observateur, l’illustre M. Bonnet de Genève, des expériences curieuses, qui prouvent que les feuilles peuvent se métamorphoser en plantes, & il en rapporte plusieurs exemples. Celles faites sur le haricot, le chou, la belle-de-nuit & la mélisse, méritent d’être citées.

Supposez un vase quelconque plein d’eau, couvert avec une petite planche trouée, ou avec du liège, &c. C’est par ces différens trous que l’on fait entrer le pétiole ou queue de la feuille, à la profondeur de quelques lignes dans l’eau. Ces trous servent encore à maintenir les feuilles dans une direction verticale ou au moins oblique ; enfin, à introduire de l’eau dans le vase à mesure qu’elle s’évapore ou