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soit en rassemblant les rayons du soleil dans un espace où on veut les faire vivre, & les défendant du froid par le moyen des caisses à vitrages, des serres, des orangeries ; soit en les garantissant immédiatement de l’intempérie des saisons dans l’endroit même où elles végètent, par des paillassons dont on recouvre ou enveloppe leur tige ; soit en tâchant d’égaler le degré de chaleur naturelle, par des poëlles, des réchauds & des serres chaudes.

C’est en vain que l’on se donneroit mille soins de cultiver les arbres & les plantes qui doivent donner des fruits, si on négligeoit la conservation de ceux-ci. Ce seroit exactement creuser, fouiller une mine à grands frais, & négliger de fondre & réduire en riche métal le minérai. La conservation des fruits demande des soins variés & relatifs à leur nature. La botanique, en indiquant les principes qui les constituent, fera sentir aisément les meilleurs procédés pour empêcher ces principes de se décomposer, pour construire un fruitier & des greniers commodes, sains & propres aux différens objets qu’on veut y renfermer.

IV. Des jardins botaniques. La botanique nous a donné des préceptes pour la culture des plantes de première nécessité, pour celles d’usage ordinaire, pour celles même qui ne sont que d’agrément. Il est encore une autre espèce d’étude qui est digne de nos soins, & qui même, considérée sous un juste point de vue, mérite toutes les attentions d’un naturaliste. C’est celle de toutes les plantes en général, sous le rapport des systêmes & des méthodes naturelles ou artificielles. S’il falloit les observer & les étudier dans les lieux qu’elles affectionnent de préférence, la vie de l’homme suffiroit à peine pour en voir la moindre partie ; les dépenses, les voyages de longs cours, les fatigues qu’ils entraînent nécessairement, rebuteroient le plus grand nombre, & peu d’êtres privilégiés auroient le courage des Tournefort, des Commerson, des Thunberg, des Forster ; peu se résoudroient à consumer leurs plus beaux jours, à affronter mille dangers pour rapporter dans leur patrie quelques plantes nouvelles. Les jardins de botanique ont été établis pour offrir à tous les amateurs & à tous les curieux, des collections plus complètes les unes que les autres de plantes, soit étrangères, soit indigènes. C’est ici le règne de la botanique pour la partie de la nomenclature. (Voyez section III) Là, chaque particulier est libre de choisir tel ordre qu’il lui plait, ou de n’en pas suivre du tout. Dans les jardins publics, destinés aux démonstrations & à l’instruction des élèves, on adopte toujours quelque grand systême ; ici, c’est le systême sexuel de Linné ; là, c’est la méthode de Tournefort ; dans cet autre, c’est l’ordre des familles de M. de Jussieu. Toutes les plantes rangées suivant ces systêmes, forment une série, une chaîne naturelle que l’on suit avec plaisir ; c’est un livre, un catalogue vivant & animé, qui intéresse d’autant plus & instruit avec d’autant plus d’avantage, qu’il parle sans cesse à tous les sens. Ces dépôts immenses renferment, pour ainsi dire, les tributs envoyés par toutes les régions de la terre ; & sans sortir