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débarrasse de branches infructueuses & fatigantes ; qu’elle sache vous préparer, d’année en année, vos récoltes, & qu’en faisant naître vos espérances, elle en assure le succès. Souvenez-vous que vous travaillerez en aveugle, si la botanique ne vous a pas appris à distinguer le bois gourmand, les branches folles, les boutons à fleurs, & les boutons à feuilles ou à bois.

Embellir sa retraite, la rendre le plus agréable que l’on peut, est un soin que l’on doit bien pardonner au philosophe cultivateur. Il faut que notre séjour nous plaise, pour que nous nous y plaisions. Quand on l’a fait soi-même ce qu’il est, il a des droits éternels à notre intérêt & à notre attachement. L’art & la taille sont parvenus à faire prendre toutes sortes de formes aux arbres d’agrémens. Ici, courbés en voûte & plantés en allée, ils défendent une avenue des ardeurs du soleil. Là, rapprochés de nos têtes, ils semblent suspendre leur feuillage & s’entrelacer pour former une ombre épaisse, & nous inviter à venir goûter la paix, la tranquillité, & quelquefois le plaisir, loin du tumulte & du grand jour ; ou bien, festonnés en arcades, ils offrent de longs portiques, décorés d’une riche architecture. La botanique fait distinguer les arbres susceptibles d’être taillés, & de prendre toutes les formes variées que dicte notre caprice.

Parmi la multitude de plantes dont la nature a peuplé la terre, elle en a destiné un certain nombre pour notre nourriture. Quelles peines, quelles fatigues, s’il falloit à chaque instant se déplacer pour aller les cueillir dans les bois, & dans les autres endroits où elles croissent naturellement ! L’industrie humaine a imaginé les potagers dans lesquels elle a transplanté tous les végétaux qui peuvent servir à notre nourriture. La botanique ne se trouve pas ici toujours d’accord avec le commun des jardiniers pour la nomenclature. Les jardiniers le sont-ils eux-mêmes entr’eux ? C’est un malheur, que cette science peut & doit seule corriger. Quand vous parlerez en botaniste & à des botanistes, servez-vous des phrases que vous offrent les différens systêmes ; mais quand vous voudrez vous faire entendre de votre jardinier, n’employez pas d’autres expressions que celles qui lui sont connues. (Nous suivrons exactement ce précepte dans le cours de cet Ouvrage).

En réunissant cette science à celle de l’économie rurale, on aura des principes certains pour établir un jardin potager, pour choisir son emplacement, son exposition, la préparation des terres, les instrumens, les couches, les ados, &c.

III. La conservation des plantes peut avoir deux objets principaux : celui des plantes durant leur vie, & celui des fruits qu’elles nous donnent.

Si tous les végétaux n’étoient cultivés que dans les lieux & les climats que la nature leur a assignés, l’art seroit absolument inutile. Mais en les transplantant chez nous, nous ne transplantons pas la température de l’atmosphère, ni le degré de chaleur des rayons du soleil qui les voit naître. Il faut donc y suppléer & nous efforcer d’imiter la nature, produire une chaleur artificielle,