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elle a osé les diviser & les subdiviser, leur assigner des rangs & des classes, former des ordres, nommer des familles & nombrer les productions de la nature ; ses efforts n’ont pas été absolument vains, des succès apparens ont couronné son audace ; & si la nature ne lui a pas prodigué sans réserve tous ses trésors, & dévoilé tous ses secrets, du moins elle a souri à ses tentatives ; & les phénomènes qu’elle lui a présentés à chaque pas, sont déjà pour elle une magnifique récompense. Fière de ses conquêtes, la botanique a contemplé avec plaisir les dépouilles qu’elle a rapportées ; elle s’est plu à les considérer dans leur forme élégante, dans leurs vertus & dans l’usage qu’elle en pourroit faire ; mais n’estimant ses richesses que par le plaisir de les répandre, elle s’est amusée à les décrire avec exactitude, afin qu’elles pussent être reconnoissables, & par-là devenir communes à tout le monde.

C’est trop peu encore pour elle, elle va nous apprendre à les multiplier, & à nous les approprier par la culture. Parmi ces plantes, les unes ne demandent qu’à être confiées à la terre & abandonnées à ses soins, tandis que les autres exigent de nous des préparations préliminaires, une attention journalière, des dépenses & des travaux continuels : on peut donc les distinguer en deux cultures ; l’une, que nous nommerons culture naturelle, & l’autre, culture artificielle. Ce n’est pas que dans la dernière, la nature ne soit pas l’agent principal & unique même de la réproduction ; mais nous aidons, pour ainsi dire, nous modifions, nous forçons quelquefois ce principe à agir suivant nos vues. Nos soins ne le produisent pas, mais l’accompagnent, l’excitent ou le retiennent suivant nos desirs ; tandis que, dans la première, la semence une fois déposée dans son sein, nous attendons tout de son travail. Qu’on nous permette ici une comparaison pour développer notre idée : dans la culture naturelle, nous plaçons notre argent chez un banquier, pour qu’il nous rapporte du profit au bout d’un certain tems, tranquilles sur les moyens qu’il emploiera ; dans la culture artificielle, nous le faisons valoir nous-mêmes, & nous devons tout notre gain à notre industrie.

§. I. De la culture naturelle.

Plusieurs objets sont du ressort de la culture naturelle ; mais le premier, dont il faut s’occuper essentiellement, c’est celui de la connoissance des sols les plus propres à telle ou telle culture. Elle doit nous guider dans les opérations rurales faites en grand, comme l’établissement des forêts, des prairies, & la culture des grains & des vignes.

La botanique, telle que nous la considérons, cette science générale des végétaux, ne regarde point ces parties comme étrangères à son étude. Elle embrasse tout, & ses recherches se portent sur l’ensemble comme sur les détails. Ne craignons donc pas de tracer ici le tableau de son travail dans cette partie ; le détail des préceptes particuliers se trouvera naturellement répandu dans les différens articles insérés dans cet Ouvrage. (Consultez les mots propres)