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hépatiques, &c. Mais rien de plus incertain & de plus dangereux que ces méthodes. Combien souvent n’arrive-t-il pas que les différentes parties d’une plante ont des vertus opposées ? il faudroit donc, pour suivre un ordre exact, placer la racine dans une division, la tige & les feuilles dans une autre, & les fleurs dans une troisième. Souvent aussi la même plante a plusieurs vertus ; elle appartiendroit donc à plusieurs classes. Quelle confusion ! quel cahos !

Les usages, les positions locales, les circonstances de saisons, les qualités, les vertus ne pouvant fournir des distributions exactes & méthodiques, on chercha des caractères, des signes frappans aux yeux les moins accoutumés à l’étude des plantes. D’abord, la considération des végétaux, selon leur grandeur, leur consistance & leur durée fut anciennement adoptée par Aristote ; & l’Écluse, sous le nom de Clusius dans le seizième siècle, développa & fit valoir ce systême. Tout le règne végétal fut partagé en herbes & en arbres ; les herbes, en annuelles, qui lèvent, croissent & meurent dans la même année, & en vivaces, qui durent plus d’un an. Dans la seconde classe, on distingua les arbustes ou sous-arbrisseaux, les arbrisseaux & les arbres. Ce pas fait servit beaucoup pour connoître en grand la vie & le port des plantes ; les familles se trouvèrent trop nombreuses : c’étaient des lignes de démarcation tracées, pour ainsi-dire, entre de très-vastes provinces ; mais on ne voyoit pas encore comment on pourroit démêler l’immensité d’objets que chacune renfermoit en particulier.

On eut recours alors à la considération des racines, des tiges, des feuilles, des fleurs & du fruit. Tant qu’on ne s’attacha qu’à certaines parties isolées & trop vagues, comme les feuilles ou les racines, la botanique fit peu de progrès ; elle avança beaucoup plus & se perfectionna insensiblement, quand on étudia tout l’ensemble. On vit tout d’un coup un très-grand nombre de plantes avoir des caractères multipliés, permanens & sensibles, & se ranger pour ainsi-dire, comme d’elles-mêmes, en très-grandes familles naturelles ; telles sont les graminées, les cruciformes, les ombellifères, les cucurbitacées, les conifères, &c. &c. Chaque plante de chacune de ces familles, rassembloit des caractères sensibles, essentiellement les mêmes, dans tous les individus de la même famille. C’est ainsi que dans le règne animal, nous voyons les différentes espèces d’animaux, par exemple, tous les chiens, dans les quadrupèdes, les pics dans les oiseaux, les scarabées dans les insectes, réunir des caractères qui leur sont propres, & qui les différencient des animaux des autres classes.

Si l’on connoissoit absolument toutes les plantes, & que l’on pût distinguer toutes les familles naturelles, on auroit cette méthode naturelle dont nous avons parlé plus haut. Elle seroit le tableau de la progression graduelle que la nature a suivie dans la formation des végétaux. Les chaînons de cette chaîne