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lentille ; il apperçut une infinité de petits corps de toutes sortes de figures, ronds, ovales, angulaires, &c. mais sans aucuns filamens. Ayant enlevé toute cette substance visqueuse, & bien lavé, au moyen d’un pinceau trempé dans l’esprit-de-vin, la superficie découverte du grain de blé, il ne vit aucun globule, mais beaucoup d’inégalité sur la surface ; d’où M. Poncelet conclut l’existence d’une troisième membrane ou pellicule, qui est d’une finesse extrême. Il passa sur cette surface un poinçon dont la pointe étoit fort aiguë, & ce fut pour lors qu’il apperçut les globules en C : le grain n’offroit aucune liqueur ; au contraire, il étoit ferme & charnu comme une amande. Combien de gens se trompent, en pensant que le grain de blé, à une certaine époque de sa croissance, n’est rempli que de lait. Ce lait ne provient pas de l’intérieur du grain ; c’est une vraie gomme-résine dissoute & étendue dans beaucoup d’eau, connue depuis sous le nom de substance glutineuse, placée entre la seconde tunique ou pellicule, & la troisième, que l’on fait sortir sous une forme laiteuse lorsqu’on presse le grain. L’intérieur de ce grain, quand il est formé, ne fournit de liqueur qu’un peu d’une espèce de sérum, qui remplit les interfaces des globules.

Après avoir bien lavé dans l’esprit-de-vin la superficie du grain, M. Poncelet en enleva une portion avec la pointe d’une aiguille, & l’écrasa sur un porte-objet de cristal qui fut placé au foyer du microscope simple, garni de sa plus forte lentille n°. 8 : il vit plus distinctement que jamais, non seulement les globules d’une rondeur parfaite, en quoi ils diffèrent des molécules inégales de la gomme-résine ; mais il apperçut encore leur ramification divisée à l’infini, au moyen desquelles on peut comparer les deux lobes du grain à une double grappe de raisin ; de manière cependant, qu’au moyen de la rainure qui sert de cordon ombilical au germe, les deux lobes exactement séparés par-devant, sont adhérens l’un à l’autre par leur partie postérieure entiérement convexe.

M. Poncelet a toujours observé au microscope une grande différence entre la farine prise immédiatement dans le grain de froment, & la farine provenue de mouture. Les globules de la première sont clairs, distincts, & sans autre mélange que quelques branches de ramification, tandis que la farine provenue de la mouture est remplie de plusieurs substances hétérogènes, de gomme-résine, de sels, de son, &c. indistinctement mêlés les uns dans les autres.

Telle est la manière intéressante, instructive & curieuse dont M. l’abbé Poncelet rend compte de l’anatomie du blé : personne avant lui ne l’avoit examiné aussi attentivement, ni suivi si exactement dans ses différens périodes. On peut regarder cette analyse du blé comme un chef-d’œuvre de patience, d’intelligence & de soin. Ce qu’il dit sur les substances que l’on trouve dans ce même grain parfait, nous sera encore d’une grande utilité lorsque nous traiterons du mot Farine ; & aux mots Froment,