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Il est facile de tirer parti de l’artichaudière qu’on se propose de détruire dans les provinces méridionales : on enterre les pieds comme les cardons, dans de petites fosses creusées exprès, & qu’on recouvre de terre. Là, le tronc & les côtes des grandes feuilles y blanchissent comme les cardons, servent aux mêmes usages de la cuisine qu’eux, & ils sont encore plus délicats. Dans les provinces du nord, on ne laisse en été qu’un seul œilleton sur chaque pied ; & à la fin de Septembre, ou au commencement d’Octobre, on lie les feuilles, on les empaille, & un mois après les pieds sont bons à manger. Pour faire durer plus long-tems ses jouissances, ces cardons factices ne sont pas liés tout à la fois ; mais dans la crainte des gelées, on les lève de terre, on les plante dans le jardin d’hiver ; enfin on les empaille suivant ses besoins. Le sol du jardin d’hiver doit être couvert d’un bon pied de sable, & ce sable sert à enterrer les pieds d’artichaut.

VI. Des moyens d’augmenter le volume du fruit, & de ceux nécessaires pour le conserver. Ayez un bon terrain, cultivez bien, donnez beaucoup d’engrais, & vous aurez des artichauts superbes relativement à l’espèce. La loi est générale & sans exception. Ceux qui aiment le merveilleux & qui réfléchissent peu, ont donné comme un moyen assuré de faire grossir les fruits, de couper les feuilles à leur sommet ou par moitié lorsque le fruit commence à paroître. Ce conseil ressemble à celui-ci : coupez les doigts des pieds de l’homme, il en marchera plus vite. Eh quoi, toujours contrarier la nature ! Ces auteurs ne savent donc pas que les feuilles tiennent lieu de poumons dans les plantes ; que par leur secours, les secrétions de la transpiration ont lieu ; en un mot, que c’est ralentir & diminuer les moyens par lesquels la nature élabore la séve & pompe non-seulement l’humidité de l’atmosphère, mais encore aspire les principes de la végétation qui y sont disséminés ?

Des auteurs ont considéré le fruit de l’artichaut, comme les fleuristes regardent une belle fleur. Ils ont dit : Si on coupe les artichauts secondaires, si on ne laisse que le premier sur la même tige, il en sera plus gros, & ils ont eu raison. Je demande à présent : S’il falloit vendre le produit de douze pieds d’artichauts ainsi traités, ou celui de douze autres plantes d’artichauts abandonnées aux soins de la nature, & aidées des travaux du jardinier, de quel côté seroit le bénéfice ? Laissez ces belles spéculations, & rapportez-vous-en aux jardiniers qui vivent sur le produit de leurs soins & de leurs peines. Ils n’adopteront jamais cette maxime insérée dans le Dictionnaire Économique, au mot Artichaut : « Pour avoir de belles têtes, on n’en laisse qu’une à chaque montant ; on coupe toutes les secondes qui poussent autour de la tige, & on rogne environ le tiers de la longueur de toutes les feuilles ».

Voici un autre moyen proposé par le père d’Ardenne, pour faire grossir les têtes d’artichauts. Il faut avec la serpette, fendre la tige au dessous du fruit, & on alonge cette fente d’environ trois pouces ; on fait encore une seconde fente sem-