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donner le change, & s’échappe par le côté où il entend le moins de bruit. Il faut donc être très-attentif quand on terre un blaireau, & veiller au-dessus de toutes les issues, ou plutôt les boucher en partie, & n’en laisser que deux ou trois de libres, que l’on pourra surveiller facilement. On peut le tirer au fusil dès qu’il paroît, ou le faire attaquer par des chiens courans qui l’arrêtent bientôt, parce que cet animal ne court pas ; alors, ou on l’assomme, ou on le serre avec des tenailles, & on le musèle pour l’empêcher de mordre. Dans cet état, on le fait piller par de jeunes chiens de chasse, afin de les accoutumer de bonne heure à l’odeur de cet animal.

Quand le blaireau est acculé au fond de son trou, on ne peut le prendre qu’en ouvrant son terrier au-dessus de lui. Il faut bien prendre garde alors de ne pas blesser le chien qui le tient ainsi en arrêt.

Si l’on rencontre de jeunes blaireaux, on peut les emporter chez soi ; ils s’apprivoisent aisément. Le caractère doux & tranquille de cet animal le rapproche de la société ; il est susceptible même de reconnoissance & d’attachement ; il suit & caresse celui qui le flatte, & qui lui donne à manger. Ce nouveau genre de vie lui paroît préférable à celui des bois, car il ne cherche point à s’échapper. L’inquiétude perpétuelle que l’on remarque dans les autres animaux sauvages que l’on veut apprivoiser, n’altère pas sa tranquillité. Très-facile à nourrir, tout ce qui sort de la cuisine lui est bon, & il accourt à la voix qui l’appelle. Sans soucis, & ne soupçonnant pas même qu’il peut avoir des ennemis, il ne voit que des amis dans sa nouvelle demeure. Il s’accoutume bientôt avec les chiens qui sont cause de sa captivité, vit, mange & joue avec eux, surtout lorsqu’ils sont jeunes. En un mot, il paroît destiné à augmenter le nombre des animaux que l’homme s’est attaché, en changeant leur caractère par une éducation suivie. Mais ce qui éloignera toujours d’élever des blaireaux, c’est l’odeur puante qu’ils exhalent continuellement, & la gale à laquelle ils sont sujets. Cependant on pourroit soupçonner, par analogie, que des blaireaux nés & élevés dans nos basse-cours, perdroient insensiblement cette mauvaise odeur, ou du moins qu’elle s’affaibliroit beaucoup. Nous voyons en effet, que le changement de nourriture en opère un très-grand dans le physique comme dans le moral des animaux. Les caractères vigoureux & distinctifs que la nature leur a donné, se dissipent à nos côtés ; & plusieurs qui, dans les bois, ont une transpiration très-forte, ou exhalent quelqu’odeur désagréable, semblent avoir perdu ce caractère, quand deux ou trois générations les ont fixés parmi nous. La terre & la poussière dont le poil du blaireau est continuellement rempli dans le terrier, lui donnent la gale ; la propreté dans laquelle on le tiendroit, préviendroit cette maladie.

Mais quel avantage direct pourroit-on espérer de l’acquisition de cette espèce ? Nous ne connoissons pas encore tous les services qu’il pourroit nous rendre ; mais notre industrie toujours ingénieuse, en