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tirée à clair, on y mêle trois ou quatre livres de houblon par chaque pièce, & on fait cuire le tout dans de grandes chaudières. La bière qu’on veut faire blanche doit être moins cuite que la bière rouge.

Lorsque la liqueur a acquis le degré de cuisson convenable, on la porte avec le houblon, dans des bacs, où elle perd la plus grande partie de sa chaleur. De ces bacs on la fait couler dans la cuve où doit se faire la fermentation tumultueuse, qu’on nomme cuve guilloire. On ne remplit qu’en partie cette cuve, & on y met de la levure, qui est l’écume épaisse que rejette la bière dans sa fermentation secondaire. C’est cette levure qui développe le mouvement fermentatif ; & lorsqu’il a déjà acquis quelque force, on ajoute peu à peu de nouvelle liqueur ; enfin, ce n’est que lorsque la fermentation est parfaitement établie, qu’on achève de remplir la cuve ; encore faut-il avoir l’attention de laisser assez d’espace vide pour contenir les écumes à mesure qu’elles se forment.

Lorsque ces écumes commencent à s’enfoncer dans la liqueur, c’est un signe que la fermentation tumultueuse s’est appaisée. On brouille alors le tout ; c’est ce qu’on nomme battre la guilloire.

On tire la bière dans des tonneaux, où quelque tems après la fermentation secondaire s’établit. Il sort des tonneaux une mousse légère, qui tombe dans des baquets où elle s’affaisse & forme une bière qui sert à remplir les tonneaux à mesure qu’ils se vident. Lorsque la fermentation est complétement achevée, il ne s’élève plus de mousse. On nomme levure l’écume épaisse qui ne s’affaisse pas dans les baquets. On la conserve pour servir de levain à de nouveaux métiers. On ne bouche les tonneaux que lorsqu’il ne sort plus de mousse.

Quelques brasseurs ajoutent pendant la cuite de la bière, autant de livres de sirop de sucre, qu’il y a de boisseaux d’orge. D’autres, par économie, suppléent au houblon, qui est cher, de la petite ou de la grande absinthe ; les amers aident la bière à se conserver plus long-tems. La bière absinthisée échauffe beaucoup.

On prépare avec la bière, des boissons médicamenteuses, comme avec le vin ; il suffit de mettre infuser les plantes ou les substances indiquées à la maladie qu’on doit traiter.

Il est bien démontré aujourd’hui, d’après les expériences du célèbre & infortuné capitaine Cook, faites dans son Voyage autour du Monde, que l’usage du malt de bière est le moyen le plus assuré de prévenir & d’empêcher que le scorbut n’attaque les marins, & qu’il est le remède le plus assuré pour sa guérison. Ne seroit-ce pas un objet digne d’occuper le ministre de la marine ? & ne seroit-il pas avantageux de faire publier une loi qui forceroit tout capitaine de vaisseau de prendre, avant de partir pour un trajet assez long, une quantité de malt proportionnée au nombre des passagers & des gens qui composent l’équipage ?

Lorsque l’on ne veut pas être incommodé de la bière blanche, on doit la choisir ni trop vieille, ni