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à son prompt & vigoureux développement. C’est ici le moment de ne pas le laisser souffrir de la sécheresse. Prenez bien garde de ne pas attaquer les racines, de ne pas briser les chevelus ; ce seroit interrompre le cours de la séve.

Dans les provinces du nord de la France, les premiers artichauts sont bons à couper seulement au mois de Septembre ; & comme ils ne poussent pas tous à la fois, on en recueille jusqu’aux gelées. Les soins dont on vient de parler s’appliquent également à ceux-ci. Cette différence marquée pour le tems du fruit, vient & des espèces qu’on y cultive, & du peu de chaleur de ces climats relativement à celle que l’artichaut demande. Ces grosses espèces dégénèrent peu à peu dans les provinces du midi, & il faut les y renouveler souvent. L’espèce qui tient le milieu, & qui mérite d’être cultivée vers le midi, est celle du Lauragais, de Perpignan, qui se soutient très-bien. Elle donne son fruit plus tard que les petites espèces de Provence, de Languedoc, &c. & beaucoup plutôt que les grosses espèces de Paris.

Aussitôt après qu’on a coupé le fruit, on doit couper les tiges qui les ont portés, le plus près de terre qu’il est possible. Si on les éclate, si on les arrache à la manière des jardiniers, on endommage les œilletons & la souche ; & la cassure inégale, cause presque toujours la pourriture au tronc. Dans les provinces méridionales, dès que les œilletons sont bien formés, on les sépare du tronc, on les replante, & on est assuré d’avoir de nouveaux fruits à la fin de Septembre, dans le courant d’Octobre, sur-tout si on a replanté les œilletons du petit artichaut rouge. Le climat & les espèces permettent de planter pendant tout l’été, pourvu qu’on ait soin d’arroser.

L’artichaudière dure plus ou moins long-tems, suivant la nature du terrain. En général, elle se maintient en bon état pendant trois ou quatre ans. Passé ce tems, il faut la renouveler & la transporter dans un carré différent.

Déjà les rayons du soleil commencent à tomber obliquement sur la terre, les matinées deviennent fraîches, les nuits froides, les gelées blanches couvrent les plantes, il est tems de songer à couvrir ou butter les pieds d’artichaut ; cette époque est plus ou moins avancée ou retardée, suivant le climat.

Je crois que les mots butter & couvrir devroient avoir deux significations différentes, quoique ces deux opérations concourent au même but pour préserver les artichauts des gelées. Par butter, j’entends environner le pied avec la terre, jusqu’à une certaine hauteur ; & par couvrir, environner le pied avec de la paille, du fumier, des feuilles, & le couvrir entiérement avec ces matériaux pendant les grandes gelées. Dans les provinces du nord on butte de bonne heure ; dans celles du midi, le plus tard que l’on peut, & quelquefois point du tout ; cela dépend de la saison. J’ai vu dans le Languedoc, & par un tems sec, il est vrai, la gelée être entre le cinquième & le sixième degré de Réaumur, au dessous de zéro, des pieds d’artichaut oubliés, n’en pas être endommagés,