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chaud, & menace de tonnerre, le lait crême, se caille, & aigrit promptement ; ce qu’il faut prévenir. Ainsi, dès que celle qui est chargée du soin de la laiterie entend le tonnerre dans le lointain, elle court à la cave, en fait boucher les soupiraux, rafraîchir le carreau, en y versant de l’eau. Cette eau sert de conducteur à la matière électrique contenue dans l’orage, & qui forme la foudre. (Voyez le mot Atmosphère) L’on écrême toutes les terrines où la crême paroît un peu faite. Dans ces cas extraordinaires, elle monte en moins de douze heures. »

» En tirant le lait de dessous les crêmes par épanchement, dans le courant de vingt-quatre heures au plus, le lait de beurre qui est dans la crême n’a point acquis d’aigreur, puisque le lait de dessous n’en a point. Ce dernier étant alors une liqueur très-fluide, il n’en reste point avec les crêmes, qui puisse s’aigrir, pendant quatre ou cinq jours qu’on les conserve dans la cave, avant d’en faire le beurre. »

» Ceux qui connoissent l’usage qui est suivi généralement dans la Haute & Basse-Normandie, pour le gouvernement des laiteries, jugeront facilement que les terrines de neuf à dix pots, qu’on y emploie communément, ne peuvent pas être rafraîchies comme au pays de Bray ; que l’usage d’y verser le lait, encore chaud, est totalement opposé aux moyens de le rafraîchir ; que les parties butireuses du lait ne peuvent pas s’élever à la superficie, aussi promptement qu’il convient pour les obtenir avant que le lait soit aigri ; que l’usage de tenir ces grandes terrines également exposées au grand froid & au grand chaud, sans aucune attention à prévenir l’odeur & la mal-propreté naturelle du lieu, y sont encore plus opposées : que laisser aigrir & cailler le lait, & n’écrémer qu’après cinq, six, & même huit jours, & souvent plus, sont des usages qui détruisent le lait & la crême, au point qu’il n’en peut provenir rien d’avantageux. Il est d’expérience générale, que les acides détruisent sensiblement les parties grasses, & qu’ils donnent la consistance de savon à celles qu’ils ne réduisent pas en eau ; aussi est-il reconnu dans le pays de Bray, que la crême levée lorsqu’elle est légère, nouvelle & douce, sur un lait encore doux, rend une plus grande quantité de beurre, proportion gardée, que lorsqu’elle a été levée ancienne sur un lait caillé, aigri & vieux tiré ; non-seulement le beurre est en moindre quantité ; mais encore il est gras, ne peut être gardé frais, & n’est nullement propre aux salaisons, but principal de nos observations. »

» Nous connoissons divers cantons de cette province, où les beurres sont bons & délicats en automne, & au commencement du printems, mais qui sont gras & mauvais en été, parce que les fraîcheurs du printems & de l’automne opèrent naturellement sur les laitages, à peu près ce que l’on pratique avec industrie au pays de Bray pendant toute l’année ; mais lorsque l’été est revenu, l’aigreur des laitages gâte le beurre & le rend méprisable, quoique le fonds de leurs herbages soit excellent. On doit présumer que si on se conduisoit mieux, on