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Si en plantant la filleule ou œilleton, vous l’enfoncez trop profondément en terre, c’est-à-dire si le cœur est couvert, il pourrit ; c’est une attention essentielle. Dès que le pied est mis en terre, il faut l’arroser tout de suite ; & il reprendra beaucoup plutôt dans les pays chauds, si pour le garantir de la trop forte impression du soleil, on le couvre légérement avec la paille, ou même avec les grandes feuilles arrachées avant la plantation, ou telles autres feuilles d’un grand volume. Je me suis très-bien trouvé de cette petite attention, de même que de celle de découvrir la plante chaque soir, afin de la faire jouir de la fraîcheur de la nuit, du bienfait de la rosée, &c.

Nous supposons l’artichaudière formée, & même avoir passé son premier hiver, afin de ne pas être obligés de faire des répétitions. Ce que nous allons dire des travaux suivis de l’année, suppléera à ce qui pouvoit déjà être dit ; cette marche sera plus méthodique.

Suivant le climat qu’on habite, suivant la manière d’être de la température, on commence à ouvrir les buttes formées au pied & tout le tour de la plante, pour la garantir des gelées pendant l’hiver. (On parlera bientôt de la manière de butter) Dans les provinces méridionales, le tems de débutter est vers la fin du mois de Février ; & pour celles du nord, dans le courant de Mars. Si on débuttoit tout à la fois, on courroit les risques de tout perdre ; la plante est trop délicate, elle est presque blanchie sous sa butte ; dès-lors l’impression trop vive du soleil, ou celle d’une matinée fraîche, l’endommageroit beaucoup. Il convient donc de l’accoutumer peu à peu aux variations de l’atmosphère, & de ne la découvrir entiérement que lorsqu’elle n’a plus rien à craindre. C’est le cas, à cette époque, de mettre la plante à nu, de détacher les liens qui resserroient les feuilles, d’enlever celles qui sont pourries ; de la dégarnir des œilletons surnuméraires, parce qu’ils nuiroient au pied & à ceux qu’on lui laisse, au nombre de deux ou trois tout au plus, & encore faut-il que la souche soit en bon état. Ceux qui naissent trop près du collet de la plante, c’est-à-dire à fleur de terre, seront sévérement séparés ; on ne peut rien en attendre. (Voyez ce qui a été dit n°. IV, sur la manière d’œilletonner.) Les bons œilletons qu’on vient de séparer, serviront ou à des plantations nouvelles, ou à regarnir les places vides. Rejetez tous ceux qui n’ont pas de bonnes racines.

La terre, ou le fumier, ou la paille dont on s’est servi avant l’hiver pour butter, aussitôt après que la plante aura été parée, seront étendus sur le terrain, & un bon labour à la bêche ou à la pioche, suivant la coutume du pays, enfouira le tout aussitôt. Ce travail est indispensable.

En Avril, en Mai, les soins qu’exige la plante, c’est d’être débarrassée des mauvaises herbes, dont les graines, soit transportées par le vent, soit mêlées avec le fumier, la paille, &c. auront germé au retour de la belle saison. Enfin lorsque le fruit commencera à paraître entre les feuilles, un petit labour contribuera beaucoup