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Les vases dans lesquels on dépose le lait nouvellement trait, sont des terrines proprement échaudées à l’eau bouillante, pour en détacher le lait ancien qui s’incorpore dans la terre dont elles sont faites. Ce lait rance est un levain invisible, mais connu, qui fait aigrir celui qui est nouveau. Des expériences réitérées ont manifesté cet inconvénient ; ces terrines sont larges de quinze pouces par le haut, six pouces par le bas, & profondes de six pouces. Toutes ces mesures ont été prises de dehors en dehors ; plus de profondeur seroit nuisible, plus de largeur seroit incommode. Chacune de ces terrines contient au plus quatre pots de lait. On pose ces terrines sur le carreau de la cave bien nettoyé[1] ; la fraîcheur de ce lieu communique aux terrines, & empêche le lait de se cailler ; car tout l’appareil de la cave tend principalement à empêcher que le lait ne se caille & n’aigrisse, en été, avant qu’on en ait tiré la crême ; & en hiver, que le froid ne soit si considérable dans les caves, qu’il puisse geler le lait, & rendre trop difficile la façon du beurre formé d’une crême qui auroit éprouvé un grand degré de froid.

Ces terrines ainsi remplies, sont déposées pendant vingt-quatre heures, & souvent moins, sur le carreau de la cave ; on les écrême ensuite : on ne doit point attendre plus long-tems, autrement la crême perdroit de sa douceur, deviendroit épaisse, & le lait qui est dessous, pourroit, en été, se cailler, & prendre de l’aigreur ; ce qui est absolument opposé à la perfection du beurre. Pour écrémer, on procède ainsi : »

» La servante lève doucement la terrine, en pose le conduit sur une cruche contenant huit à dix pots ; & du bout de son doigt, ouvre la crême à l’endroit du conduit de la terrine ; de sorte que le lait qui est dessous, versé dans la grande cruche, s’échappe par cette ouverture, & la crême reste seule dans la terrine. Toutes les terrines de la même heure sont ainsi vidées de lait dans le même instant ; on rassemble toutes les crêmes dans des cruches particulières, pour en faire le beurre dans un autre moment. Si la saison exige que l’on tire les vaches trois fois par jour, on opère de même trois fois par jour, dès que le lait a été déposé vingt-quatre heures dans les terrines. »

» Il faut observer que les terrines n’ayant que six pouces de profondeur, les parties butireuses du lait passent alors promptement à la superficie, & elles y sont parvenues dans le courant de dix-huit à vingt heures, surtout quand la température de l’air de la cave empêche le lait de se coaguler. »

» Si le tems est orageux, très-

  1. On apporte le lait des herbages dans des seaux de bois ou des vases de terre, où il a été trait : tout vase de cuivre est regardé comme dangereux dans les opérations de la laiterie ; on le laisse reposer environ une heure dans la cave, jusqu’à ce que la mousse en soit tombée, & qu’il ait perdu la chaleur naturelle qu’il tient de l’animal d’où il est sorti. Alors on le coule dans ces terrines, au travers d’un tamis, de sorte qu’aucun poil des vaches, ou autres ordures, ne reste dedans.