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On doit à M. Jore, secrétaire perpétuel de la société d’agriculture, d’avoir fait connoître en 1763, dans le Recueil des Mémoires de cette société, la méthode suivie au pays de Bray en Normandie ; elle peut servir de modèle pour tout le royaume ; & c’est ainsi que s’explique M. Jore :

« Tous les habitans de la Normandie connoissent les défauts du beurre qu’on y fait ; mais peu savent que ces défauts sont bien moins dans la qualité des laitages, que dans la manière de conduire la laiterie. Un seul canton a ce talent, & nul autre n’en a su profiter, depuis nombre d’années qu’il en jouit. En suivant la méthode du pays de Bray, que je vais exposer, on rendra le beurre délicat & bon dans toutes les saisons de l’année ; il deviendra un article intéressant du ménage, parce qu’il sera propre aux salaisons, & en état d’être conservé pendant des années entières : par-là il pourra entrer dans le commerce par préférence à tout autre beurre fait différemment, & épargner au royaume les sommes considérables qui passent à l’étranger, qui nous en fournit une très-grande quantité d’assez mauvais, lorsque la mer est libre. »

Observations faites à Merval, sur la manière de faire le Beurre au pays de Bray.

« Les laitages sont déposés dans des caves voûtées, profondes & fraîches, à peu près comme il convient qu’elles le soient pour bien conserver les vins ; leur température, en hiver comme en été, est à peu près de huit à dix degrés du thermomètre de M. de Réaumur ; elles sont carrelées de carreaux de terre ordinaire, ou simplement de brique à plat ; lorsque l’on craint que la chaleur ne pénétre dans ces caves, on ferme les soupiraux avec des bouchons de paille, pendant la chaleur du jour. L’hiver, on se conduit de sorte que le froid n’y puisse entrer, en bouchant les soupiraux lors de la gelée ; l’entrée de ces caves, & les soupiraux, doivent être ouverts du côté du nord ou du couchant ; souvent l’entrée est dans les maisons, mais dans un appartement où l’on ne fait jamais de feu. »

La propreté de ces caves est jugée si nécessaire, qu’on en écarte les ustensiles de bois, les planches, &c. qui, avec le tems, répandroient de l’odeur en pourrissant dans ce lieu frais. Il ne paroît aux voûtes, aux embrasures des soupiraux, aucune ordure ; & pour entretenir cette propreté, on lave souvent les carreaux, & on n’y entre jamais qu’avec des sabots qui restent toujours à la porte. Les personnes qui prennent soin de la laiterie, les chaussent en ce lieu, & y déposent leur chaussure ordinaire ; la moindre odeur qu’on y ressentiroit, autre que celle du lait doux, seroit contraire à la perfection du beurre, & regardée comme un défaut d’attention de la part des servantes.[1]

  1. La propreté est jugée si nécessaire à la perfection du beurre, qu’en Saxe & en Bavière, on panse & on lave les vaches avant de les traire, lorsqu’elles ont couché dans l’étable.