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Il n’est aucune bonne cuisinière qui ne connoisse cette manière d’adoucir le beurre fort. La mal-propreté dans sa fabrication, concourt encore à accélérer ce goût fort.

« Le feu dégage aussi l’acide du beurre plus promptement & plus sensiblement. Si on expose du beurre à un degré de chaleur assez fort pour le faire fumer, il s’en exhale des vapeurs d’une âcreté insupportable, qui tirent les larmes des yeux, qui prennent à la gorge & excitent la toux, comme on l’éprouve tous les jours dans les cuisines où l’on fait un roux. Ces vapeurs du beurre ne sont autre chose que l’acide qui s’en dégage. Ce qui reste du beurre après cette opération, a une saveur forte, bien différente de la douceur qu’il avoit auparavant, parce que ce qui lui reste d’acide est développé & à demi dégagé par l’action du feu. »

» Il faut, si l’on veut décomposer le beurre par la distillation, lui appliquer un degré de chaleur bien supérieur à celui de l’eau bouillante : il s’en élève alors des vapeurs acides, d’une volatilité & d’une âcreté considérables. Ces vapeurs sont accompagnées d’une petite portion d’huile qui ne se fige point, parce que c’est celle qui a été dépouillée de la plus grande partie de son acide ; il passe ensuite une seconde huile rousse, qui se fige en se refroidissant, & qui devient de plus en plus épaisse, à mesure que la distillation avance. Il reste enfin dans la cornue une assez petite quantité de matière charbonneuse, qui, exposée au feu, à l’air libre, ne peut se brûler & se réduire en cendres, que très-difficilement. »

En voilà assez pour la théorie : passons à la pratique. Ceux qui desireront de plus grands détails, peuvent consulter le Dictionnaire déjà cité. Observons cependant encore, que l’huile première & l’huile seconde qu’on retire par le moyen du feu dans la distillation, se sépare d’elle-même & à la longue, dans les grands vaisseaux de bois qui contiennent le beurre salé, avec cette différence de la seconde, que cette huile ne se fige pas.


CHAPITRE II.

De la manière de faire le Beurre frais.

Il n’existe en France aucune province où l’on ne fasse du beurre ; presque partout il est mauvais, prend facilement un goût fort, & promptement un goût de rance ; c’est que presque partout on le fait mal. Sa fabrication, & tous les ustensiles qui y servent, exigent la plus grande propreté. Eh ! comment l’exiger du paysan, de la paysanne qui ne voient que le moment présent, & qui réfléchissent bien peu sur l’avenir ? Il vend son beurre du jour au jour ; il ne connoît pas l’acheteur ; & il lui importe peu qu’il soit content, pourvu qu’il retourne du marché chez lui, avec le prix de sa marchandise. Celui, au contraire, qui fabrique une grande quantité de beurre, & qui le sale, est esclave de la routine & de la coutume, & n’examine pas si elle est mauvaise, & si on peut leur en substituer une meilleure. Telle est la cause pour laquelle on mange si peu de bon beurre en France, excepté dans quelques cantons particuliers, où la méthode est perfectionnée.