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espèce d’insecte, appelé escarbot commun, ou grand pilulaire, & plus connu encore sous le nom de fouille-merde. Il dévore les bouses souvent au point de n’en laisser aucun vestige. C’est donc un engrais consommé en pure perte ; & cette observation est essentielle. La plus importante, sans contredit, est celle de la déperdition assurée des principes de ces excrémens : dévorés, desséchés par le soleil, ils s’évaporent, & ne laissent presque plus qu’une parcelle de résidu, que le vent chasse au loin, que la pluie délave & entraîne ; enfin cet engrais, qui seroit devenu précieux, est réduit à rien, & devient presque nul.

Consultons encore l’expérience, toujours plus persuasive que le raisonnement. Où remarque-t-on l’effet sensible des excrémens qu’ont laissé tomber les bêtes, si ce n’est sur les places où l’année précédente l’on a rassemblé soir & matin les vaches pour les traire ? Je suppose qu’on nourrisse à l’étable vingt pièces de gros bétail : ces vingt bêtes, pendant cinq mois d’été que le bétail est ordinairement sur le pâturage, si elles sont nourries de bonne herbe verte, & qu’on ne leur ait pas épargné la litière, fourniront au moins cent vingt chars de bon fumier & bien conditionné ; le char est de quarante pieds cubes. De l’aveu de tous les économes les plus experts, deux chars de fumier que donne en été le bétail nourri en vert, équivalent au moins, quant à sa vertu & à sa durée, à trois chars de fumier faits en hiver. Voilà donc une augmentation & de la quantité, & de la qualité de l’engrais ; la nourriture domestique du bétail l’emporte donc sur le parcours.

M. Tschiffeli compte pour peu la paille mêlée avec l’excrément, & il ne la regarde que comme un véhicule. Je ne suis point de son sentiment ; elle fournit cette précieuse terre végétale, cette terre entièrement soluble dans l’eau ; & la paille, par sa décomposition, produit les mêmes effets que tous les végétaux ; mais cet excellent observateur aime mieux admettre moins, & prouver plus. Il dit : « Si on répand tous les ans la quantité de fumier dont on a parlé, sur quatre-vingts arpens de pâturages, & qu’ils soient successivement bonifiés dans l’espace de cinq ans, ne donneront-ils pas une herbe plus épaisse, plus vigoureuse, que pareil nombre d’arpens de la même qualité, sur lesquels on auroit fait pâturer les vingt bêtes dont il est question. Il suffit d’avoir des yeux pour décider un fait aussi simple ; & quand même le sol de ce second pâturage seroit couvert d’une couche de bouse fraîche, son produit seroit bien inférieur au premier.

Ce n’est pas le cas de détailler ici les soins nécessaires pour convertir les excrémens en un bon engrais. (Voyez ce mot, & ce qui a été dit au mot Bergerie, afin de profiter des eaux qui en découlent.)

Nous avouons avec un plaisir égal à notre reconnoissance, devoir presque tout ce qui a été dit dans ce second chapitre, à M. Tschiffeli ; nous y avons seulement ajouté quelques observations qui ont paru nécessaires.