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expériences multipliées de M. Tschiffeli. Sa méthode a été trouvée si avantageuse, qu’elle a été adoptée par les grands propriétaires de l’état de Berne. Je l’ai vu pratiquer avec le plus grand succès, par un particulier des environs de Lyon : il avoit fait venir de la Suisse un nombre assez considérable de vaches ; elles lui fournissoient le double de lait que les vaches ordinaires, & le prix des veaux étoit bien supérieur.


Section II.

Objections contre l’entretien domestique, & Réponse à ces Objections.


Lorsque M. Tschiffeli introduisit cette méthode, on lui proposa un grand nombre d’objections ; il devoit s’y attendre. Toutes les fois qu’on s’éloigne de la routine, même d’après les principes les plus clairs, l’ignorance & la mauvaise foi sont entendre leur voix ; & les succès même les plus décidés, ne sont pas toujours capables de l’étouffer. Afin qu’on ne les répète pas de nouveau, examinons-les, en faisant parler M. Tschiffeli. 1o. La santé du bétail demande qu’il puisse pâturer librement, attendu que la liberté est l’état naturel des bêtes.

On convient sans difficulté, que les bêtes à cornes entiérement libres, comme les moutons du maréchal de Saxe dans le parc de Chambor, ou comme les bœufs sauvages des plaines de la Camargue, à l’embouchure du Rhône, jouiroient de la santé la plus ferme dans des climats doux & tempérés ; mais ce n’est pas le cas ordinaire. On ne trouve pas par-tout le climat du Mexique & d’une grande partie de l’Amérique ; peut-être même, & cela paroît plus que probable, si le veau étoit né dans les champs, & ne les eût jamais quitté, il en vaudroit beaucoup mieux : mais soit à cause de leur éducation, soit à cause du climat, la rigueur des hivers oblige de tenir les bêtes à l’étable tant que dure la mauvaise saison ; elles s’y attendrissent, deviennent plus délicates, & par-là sont moins dans le cas de résister aux intempéries de l’air. Ici, comme dans tous les autres cas de l’économie rurale, l’expérience est le plus sûr & même le seul guide. Que l’on observe où les épidémies prennent naissance ; si c’est au pâturage ou à l’étable, & dans lequel des deux endroits elles font le plus de ravages. Tous les hommes instruits dans la médecine vétérinaire, diront, d’après l’expérience, que les maladies contagieuses doivent presque toujours leur origine & leur durée, aux mauvaises qualités des pâturages & des eaux, & que la manière d’être de l’atmosphère y entre pour peu. Ils ajouteront encore, que les épizooties se propagent par la communication des bêtes les unes avec les autres, ou par la communication des bergers, des maréchaux, &c. On en a la preuve la plus frappante dans la cruelle maladie de 1775, 1776 & 1777, qui enleva tous les bestiaux des provinces occidentales & méridionales de France, & qu’on arrêta en formant un cordon de troupes. N’a-t-on pas vu en 1771, un seul bœuf hongrois porter & répandre le germe du mal dans les campagnes de Venise, de Milan, de Ferrare,