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qui m’ont été communiquées par un noble des états du Gévaudan, M. le baron de S.*** ; elles tiennent à une pratique établie sur ses expériences.

Depuis la fin du mois d’Août, époque des semences des blés d’hiver en Gévaudan, & jusqu’à ce qu’elles soient finies, le laboureur qui possède des frênes, des ormeaux, &c. ramasse tous les matins la feuille de ces arbres pour en faire une botte pesant soixante à quatre-vingts livres, qu’il donne à l’heure du goûter aux bœufs & aux vaches qui labourent. Pour avoir la feuille du frêne, il casse près de la branche la côte ou pétiole qui porte les folioles, & les met en petites bottes jusqu’à ce qu’il y en ait la quantité dont on vient de parler. Celle d’orme se cueille l’une après l’autre, comme celle du mûrier, & on la jette à mesure dans un sac suspendu à l’arbre. Pour l’avoir plus promptement, il faut prendre le bout extérieur de la branche dans la main, & la couler tout le long vers la tige ; au moyen de quoi la branche se trouve dépouillée de toutes ses feuilles par une seule opération.

La feuille de frêne est préférable à celle de l’ormeau, comme plus propre à soutenir la force des bœufs qui fatiguent beaucoup pendant la durée des semences. Lorsqu’ils cessent de labourer, on les mène aux pâturages, d’où ils rentrent sur le soir dans les écuries ; ils y trouvent des feuilles si le bouvier a eu le tems de s’en pourvoir ; autrement ils passent la nuit au moyen de ce qu’ils ont brouté. Le matin, avant de les remener au travail, on leur donne une botte de foin ou de feuilles. Si la feuille est couverte de gelée blanche, & qu’il ne fasse pas du soleil, on presse la botte dans l’eau, qui la dissipe. M. de Buffon fait cette remarque. « Dans l’été, si le foin manque, (ce qui arrive très-souvent dans nos provinces méridionales) on donnera aux jeunes bœufs des jeunes pousses & des feuilles de frêne, d’orme, de chêne, fraîchement coupées, mais en quantité modérée ; l’excès de cette nourriture, qu’ils aiment beaucoup, leur cause quelquefois un pissement de sang. » Je ne révoque point en doute le témoignage de M. de Buffon ; mais je ne l’ai jamais observé. La différence de climat en seroit-elle la cause ?

Quoique les arbres soient ainsi dépouillés de leurs feuilles en automne, ce procédé ne nuit point à la pousse du printems suivant, attendu que le mouvement de la séve est sur sa fin.

La première coupe des branches se décide sur la force des arbres ; ceux de rivière étant les plus hâtifs à la pousse, sont émondés les premiers, tels que l’aune ou verne, le peuplier, &c. Les fagots d’aune doivent être renfermés tout de suite ; si la pluie les mouille, elle fait noircir la feuille, & la rend inutile pour le bétail. Le bouleau, l’érable, le sycomore, le tilleul, le charme, l’orme, le frêne & le chêne, fournissent par gradation les suites de la coupe. La feuille de hêtre se cueille au moment qu’elle commence à jaunir.

Les saules, l’aune s’émondent au bas du tronc ; le peuplier, tout le