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fruit a jusqu’à cinq pouces & même plus de diamètre. Outre sa grosseur, son caractère particulier est d’avoir les écailles ouvertes, & la pointe du fruit un peu aplatie. Il est très-inférieur pour le goût aux trois premières espèces.

La seconde espèce des mêmes climats, est le violet, moins gros & moins large que le précédent. La forme de ses écailles est moins arrondie ; elles sont armées d’un petit piquant à leur sommet ; le fond de leur couleur est verd, & d’un rouge violet à leur extrémité supérieure. Il n’est pas aussi productif que le précédent.

La troisième espèce est le rouge. La couleur de toute l’écaille approche du rouge pourpre ; le cœur est jaune, sa chair est délicate. Il est moins gros que les deux précédens. Cette espèce se rapproche beaucoup de la seconde des provinces méridionales.

Tous les auteurs qui ont écrit sur le jardinage ont parlé de l’artichaut sucré de Gênes ; ils se sont copiés mutuellement les uns & les autres, & ne disent rien de plus. Voici ce que dit l’auteur de l’École du Jardin potager, ouvrage qui mérite d’être distingué des autres en ce genre. « Le sucré de Gênes, ainsi nommé parce qu’il a effectivement le goût fin & sucré, est préférable au rouge par sa délicatesse, & n’est bon de même que cru. Sa pomme est fort petite, hérissée de pointes piquantes ; sa couleur est d’un verd pâle, & sa chair est fort jaune : on tire les œilletons de Gênes par la voie des courriers : son défaut est de dégénérer dès la seconde année ; il faudroit par conséquent en faire venir tous les ans pour les manger dans leur perfection, ce qui ne convient qu’à peu de personnes ; aussi on n’en voit que dans les jardins de quelques curieux. ».

III. De la manière & du tems de semer les artichauts. Un jardinier prudent laissera chaque année plusieurs pieds monter en graine, & il les recueillera avec soin. Cette précaution, qui coûte si peu, seroit inutile, si l’on n’avoit pas à redouter les gelées & la trop grande humidité. Le froid de 1776 fit périr une quantité prodigieuse de pieds d’artichaut, & pour de l’argent on ne trouvoit pas à acheter des filleules ou œilletons : la graine se vendit jusqu’à une pistole l’once. Les trop grandes pluies de l’hiver produisent le même effet que le froid ; c’est-à-dire, le pied périt en pourrissant par trop d’humidité. Si la graine qu’on a cueillie ne sert pas au printems, la perte sera peu considérable, & il pouvoit arriver qu’on se fût repenti d’une trop grande sécurité, & de son peu de précaution.

Il y a deux manières de semer les graines, ou à demeure, ou en pépinière pour replanter, & le tems de ces opérations est le mois de Mars dans les cantons où les pluies, les rosées froides & les gelées ne sont plus à craindre, plus tard pour les autres climats.

Lorsque l’on sème à demeure, la terre doit auparavant avoir été bien préparée, bien défoncée, & fumée : de trois pieds en trois pieds on ouvrira de petits creux, & on les garnira de terreau. Trois ou quatre graines au plus, séparées entr’elles de quelques pouces,