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ment sous la main du berger, le fourrage destiné pour le troupeau, on a imaginé ce double plancher ; mais comment ne voit-on pas que ce fourrage, tenu dans un endroit perpétuellement chaud & humide, y contracte un mauvais goût & une odeur désagréable ? Je conviens que le troupeau le mange ; il y est forcé. Il vaut encore mieux se nourrir d’une substance détériorée, que de mourir de faim. Cette nourriture est encore une des causes qui contribue le plus à leurs maladies de nourriture. Il vaut donc mieux, lorsque l’on construit la bergerie, bâtir à côté ou dans le fond, un magasin de fourrages, & ne laisser entre la bergerie & lui, qu’une seule porte de communication, que le berger tiendra toujours fermée. Au moyen de cette petite précaution, on aura toujours un fourrage sain & agréable pour le troupeau.

VII. Des bergeries ouvertes. Tout ce qui vient d’être dit est très-inutile pour les cultivateurs de bon sens, qui savent que le mouton craint par-dessus tout la chaleur, & que ce préjugé dangereux est la cause de la dégradation des laines de France, & de la perte des troupeaux. Plus il fait chaud dans une bergerie, mieux cela vaut. Ce malheureux préjugé a fait mourir autant de bêtes à laine, que la main du boucher. Personne ne niera que le climat de Suéde ne soit infiniment plus froid que celui de France ; cependant, depuis que l’excellent citoyen, M. Alstrœmer, digne des plus grands éloges, a introduit dans ce royaume les races angloises & espagnoles, les bergeries sont, de distance en distance, ouvertes par des trous de trois ou quatre pouces de diamètre, afin que l’air y joue librement. Quel air froid, en comparaison du nôtre ! Outre ces trous, il y a encore des fenêtres qu’on ouvre & ferme à volonté, de manière qu’on y maintient l’air tempéré des printems ou des automnes de France ; ce qui peut être évalué au douzième degré du thermomètre de Réaumur. Dès que la chaleur de l’atmosphère approche de ce terme, il est donc absurde de tenir les troupeaux dans des bergeries où la chaleur est nécessairement au moins de trente degrés. On fait sortir l’animal pour aller paître dans les champs, & il passe tout à coup du trentième degré au douzième ; & lorsqu’il rentre dans la bergerie, du douzième au trentième. Si le changement subit du degré de chaleur cause à l’homme les rhumes, les fluxions de poitrine, l’arrêt de la transpiration, &c. le mouton n’est-il pas bien plus dans le cas de subir la même loi, puisque la chaleur de nos appartemens ne passe pas habituellement, dans l’été, celle de vingt-quatre à vingt-six degrés ; & encore est-ce fort rare, sinon dans nos provinces méridionales ? Je sais que pendant la saison des chaleurs, les grands propriétaires des troupeaux font parquer ; mais je sais aussi que dans beaucoup de provinces de France, on ignore la manière de faire parquer. D’ailleurs, les troupeaux réunis en parc, n’équivalent pas à la centième partie des moutons de France, qui ne parquent point ; ainsi, de manière ou d’autre, on ne doit plus être étonné si la chaleur