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ce qu’on appelle air fixe, air mortel. (Voyez Effet de l’air fixe sur l’économie animale, tom. Ier. pag. 338.) Cet air est plus pesant que l’air atmosphérique, & par conséquent il forme une espèce de zone dans laquelle le mouton respire continuellement, tandis qu’à quelques pieds plus haut, l’air est salubre ou moins vicié. D’après ce point de fait, je conseille de pratiquer quelques ventouses au niveau du sol de la bergerie, & cet air fixe, plus pesant que l’air atmosphérique, trouvera des issues pour s’échapper. Suivant le besoin & la saison, on laissera un plus ou moins grand nombre de ventouses ouvertes ou fermées. Avec ces précautions, il règnera perpétuellement dans la bergerie un courant d’air frais qui se renouvellera sans cesse, & dissipera la chaleur étouffante qu’on y respire : elle est si forte, que j’ai vu la neige fondre à mesure qu’elle tomboit sur le toit d’une bergerie de soixante pieds de longueur sur vingt-cinq de largeur ; les murs avoient dix pieds de hauteur, & elle étoit remplie par deux cents cinquante moutons, tandis qu’il y avoit six pouces de neige sur le toit voisin, posé à la même hauteur, & toutes les circonstances étoient égales, aux moutons près. Il est vrai que depuis quelques jours la rigueur de la saison n’avoit pas permis de laisser sortir le troupeau de la bergerie. Ceux pour qui ce fait paroîtra extraordinaire, & qui cependant desireront avoir une preuve palpable du degré singulier de chaleur d’une bergerie remplie de moutons, n’ont qu’à y porter un thermomètre, & ils verront que cette chaleur passe souvent le trentième degré, surtout si le toit est bas & écrasé, suivant la coutume presque générale.

Dans presque toutes les bergeries, au lieu de fenêtres, on se contente d’établir des larmiers de douze pouces de hauteur, sur six de largeur, à cinq pieds au-dessus du sol. C’est par leurs secours que j’ai distingué bien clairement jusqu’à quel point l’évaporation de l’humidité fournie par la litière ou par la transpiration, étoit considérable. Il suffit de s’approcher du larmier, & de se placer, lorsque le soleil luit, à l’endroit opposé d’où vient la lumière ; alors on voit clairement les vapeurs sortir en foule & comme la fumée.

III. De la propreté de la bergerie. De toutes les parties de la ferme, la bergerie est ordinairement l’endroit le plus infecte & le moins soigné. Le toit ou le plancher est surchargé de toiles d’araignées ; & souvent, par une économie des plus mal entendues, des pièces de bois la traversent d’un bout à l’autre ; & sur ces solives, on place des claies pour soutenir une partie de la paille qui servira à la litière ou à la nourriture du troupeau. Que d’abus décrits en peu de mots !

1o. En retranchant presque de moitié la hauteur de l’espace de la bergerie, ne voit-on pas que l’air sera bientôt vicié ; que la chaleur augmentera en raison de la diminution de l’espace & du nombre des brebis. L’on dira vainement, & on aura beau répéter sans cesse, d’après les autres, & sans preuve, que les moutons craignent le froid ; c’est une maxime abominable, qui