Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/208

Cette page a été validée par deux contributeurs.

leur perte séche lorsqu’ils meurent.

4o. L’achat des harnois, des instrumens aratoires, forme encore une valeur à ajouter à la première, ainsi que celle de leur dépérissement. Enfin, tous ces objets rassemblés montent à 16 300 liv. d’après le compte présenté dans le Dictionnaire encyclopédique, au mot ferme, pour exploiter un domaine de 500 arpens. Je conviens qu’il seroit impossible dans la majeure partie de nos provinces, de faire travailler à la bêche une si grande étendue de terre ; mais cela ne seroit pas impossible dans les pays de plaine, situés au pied des montagnes. Les montagnards descendent dès que les travaux sont finis, & passent, autant qu’ils le peuvent, leur hiver dans les Pays-Bas ou dans les grandes villes, c’est ce qui attire à Paris, à Lyon, &, ces nuées d’auvergnats, de Limosins, d’habitans des Cevènes, du Rouergue, environ 12 à 1500 luquois en Corse, &c. C’est le cas de les attirer dans les campagnes, ainsi qu’on le pratique dans les plaines du Forez, du Beaujollois, &c.

5o. Depuis le moment que la récolte est levée, jusqu’à celui où l’on jette le grain en terre, on donne au moins six labours, & une seule façon à la bêche suffit & vaut mieux que douze labours. Il suffit de passer une bonne herse sur le terrain ensemencé.

6o. Avec le secours de la bêche, la terre ne repose jamais. Une année, elle donne du froment, & souvent lorsque le blé est coupé, on sème des raves ; l’année suivante, on sème des choux, des raves, des oignons, des courges, des melons, du chanvre, du blé sarrasin, &c. Si on craint que la terre soit épuisée, que l’on jette un coup-d’œil sur les récoltes de la plaine du Forez, sur tout le territoire qui borde le cours du Rhône, depuis Lyon jusqu’à dix à quinze lieues plus bas, & on ne dira plus que l’on épuise la terre.

7o. Le produit des récoltes est frappant. Les terres de ma famille étoient autrefois labourées avec des bœufs ; elles donnoient en seigle, année commune, de cinq à sept pour un, & la terre restoit une année en jachère ; mais depuis que la bêche a ameubli cette terre, l’année du grain produit ordinairement de dix à quinze, en froment pour un, & ce qu’on appeloit autrefois année de repos, fournit deux petites récoltes. Il est donc clair que la bêche a triplé le produit.

C’est à vous, seigneurs de paroisses, curés, cultivateurs intelligens, que je m’adresse. Si les circonstances physiques ne s’opposent pas à la culture de la bêche, faites tous vos efforts pour introduire l’usage de cet instrument dans le canton que vous habitez, je vous le demande au nom de l’humanité dont vous serez les bienfaiteurs. Vous trouverez des obstacles à surmonter de la part du paysan, mais forcez-le d’ouvrir les yeux à la lumière, par votre exemple. Ne cherchez pas à le subjuguer par le raisonnement, il le persuaderoit qu’il ne changeroit pas sa coutume. Montrez-lui votre champ lors de la récolte, voilà la leçon par excellence. L’ouvrier que vous emploierez sera gauche & mal-adroit