Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/206

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ne touche la terre que par le pied opposé, de sorte que l’instrument entre plus facilement, puisque l’effort est plus grand ; au contraire, en se servant des bêches (Fig. 7, 8, 9, 11) un des points d’appui se trouve, il est vrai, sur le haut de la pelle, mais l’autre n’est pas au sommet du levier, puisque les deux mains de l’homme sont placées, l’une vers le milieu de la hauteur du manche, & l’autre près de son extrémité. Quand même l’une des deux mains seroit placée au sommet, elle n’auroit pas l’avantage qui résulte de la réunion des deux mains de l’homme sur la main ou manette du manche des bêches (Fig. 4, 5, 6 & 7.) On ne sauroit assez apprécier la grande différence occasionnée par cette simple addition.

La bêche (Fig. 8) a l’avantage d’avoir un manche plus long, & la grandeur du levier lui donne beaucoup de force pour soulever la terre, & plus de terre, avec facilité ; mais l’avantage de la longueur du levier n’équivaut pas à celui qu’on obtient pour enfoncer la bêche en terre, lorsque son manche est armé d’une main.

La bêche luquoise (Fig. 9) n’est pas enfoncée en terre presque perpendiculairement comme les précédentes, mais très-obliquement, ce qui est nécessité par la longueur de son manche, & par la hauteur à laquelle est placé son hoche-pied. Avec les autres bêches, on se contente de retourner la terre, mais avec celle-ci, on la jette à quelques pieds de distance. On commence par ouvrir un fossé de la profondeur d’un pied, sur deux pieds de largeur, à la tête de l’étendue du terrain qu’on se propose de travailler. La terre qu’on retire de ce fossé est transportée sur les endroits les plus bas du champ, ou disséminée sur le champ même ; alors prenant tranches par tranches successives, la terre est jetée dans le fossé, le remplit insensiblement, & il en est ainsi pour toute la terre du champ. On ne peut disconvenir que ce labour ne soit excellent, & la terre parfaitement ameublie à une profondeur convenable.

Un autre avantage que les luquois retirent de cet instrument, est la facilité pour creuser des fossés, & former des revêtemens ; ils jettent sans peine la terre à la hauteur de huit pieds, & forment, avec cette terre, un rehaussement sur le bord du fossé, semblable à un mur. C’est avec cet outil que ces cultivateurs laborieux ont rendu le sol de la république de Luques un des plus productifs & des mieux cultivés de toute l’Italie.


CHAPITRE III.

Des avantages que l’Agriculture retire de l’usage de la Bêche.

Les habitans des provinces qui emploient la bêche, croyent que par-tout ailleurs on cultive comme chez eux, & diront, pourquoi entrer dans de si grands détails ? nous n’avons pas besoin d’instructions. S’ils s’en tiennent à leur méthode, ils ont raison ; mais la comparaison des différentes bêches connues, & les avantages qu’une plus grande perfection donne à