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qu’on place de nouvelles gerbes. Enfin, de rang en rang on parvient à couvrir presque toute la surface de l’aire.

Les mules, dont le nombre est toujours en raison de la quantité de froment que l’on doit battre, & du tems qu’on doit sacrifier pour cette opération, sont attachées deux à deux, c’est-à-dire, que le bridon de celle qui décrit le côté extérieur du cercle, est lié au bridon de celle qui décrit l’intérieur du cercle ; enfin, une corde prend du bridon de celle-ci & va répondre à la main du conducteur qui occupe toujours le centre ; de manière qu’on prendroit cet homme pour le moyeu d’une roue, les cordes pour ses rayons, & les mules pour les bandes de la roue. Un seul homme conduit quelquefois jusqu’à six paires de mules. Avec la main droite armée du fouet, il les fait toujours trotter pendant que les valets poussent sous les pieds de ces animaux la paille qui n’est pas encore bien brisée, & l’épi pas assez froissé.

On prend pour cette opération des mules ou des chevaux légers, afin que trottant & pressant moins la paille, elle reçoive des contrecoups qui fassent sortir le grain de sa balle.

La première paire de mules est plus rapprochée du conducteur que la seconde ; la seconde plus que la troisième, & ainsi de suite. Chaque paire de mules marche de front, & ainsi quatre paires de mules décrivent huit cercles concentriques en partant de la circonférence au conducteur, ou excentrique en partant du conducteur à la circonférence.

Ces pauvres animaux vont toujours en tournant, il est vrai sur une circonférence d’un assez large diamètre, & cette marche circulaire les auroit bientôt étourdis si on n’avoit la précaution de leur boucher les yeux avec des lunettes faites exprès, ou avec du linge ; c’est ainsi qu’ils trottent du soleil levant au soleil couchant, excepté pendant les heures du repas.

La première paire de mules, en trottant, commence à coucher les premières gerbes de l’angle ; la seconde, les gerbes suivantes, & ainsi de suite. Le conducteur en lâchant la corde ou en la resserrant, les conduit où il veut, mais toujours circulairement, de manière que lorsque toutes les gerbes sont aplaties, les animaux passent & repassent successivement sur toutes les parties.

Pour battre le blé, soit avec le fléau, soit avec les animaux, il faut choisir un beau jour & bien chaud, la balle laisse mieux échapper le grain.

Laquelle de ces deux méthodes est la plus avantageuse & la plus économique ? Il sera aisé d’en faire le tableau. La première conserve la paille dans son entier ; la seconde la réduit en petits brins, & c’est dans cet état qu’on la donne aux mules, aux chevaux & aux bœufs.

Une paire de mules, année commune, bat ou dépique, pour me servir de l’expression consacrée à cette opération, dix septiers de grains ; le septier dont je parle ici pèse ordinairement cent vingt livres, petit poids, ou cent livres poids de marc. Pour cela, on nourrit le conducteur, on lui paie quatre livres &