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plus serrée que dans le reste de la table.

Comme le jardinier a communément plusieurs tables à arroser, il passera sur une seconde, & même sur une troisième, avant de recommencer sur la première. Le tems employé à l’arrosement de ces deux tables, & celui nécessaire pour aller chercher l’eau, permettront à la terre de bien imbiber la première eau. Il en sera ainsi pour les arrosemens suivans.

Il résulte de cette méthode, 1o. que le jardinier ne perd point de tems ; 2o. que les jeunes tiges ne sont point couchées, les racines délavées & décharnées ; 3o. que les feuilles inférieures ne sont point enfouies dans la terre, ou recouvertes par celles que l’eau fait ressauter ; 4o. sur-tout la plante ne passe pas rapidement d’une extrême sécheresse, à un arrosement qui la noie. On verra alors les plantes remercier pour ainsi dire la main qui leur rend la vie, ou qui entretient leur vigueur.

2o. Quand faut-il arroser ? Ayez égard aux saisons, & la question sera décidée. En hiver si on arrose sur le soir, il est à craindre que le vent ne change dans la nuit, & n’amène la gelée avec lui ; alors l’arrosement est décidément nuisible. Une autre raison fait proscrire les arrosemens du soir ; c’est la longueur & la fraîcheur de la nuit ; mais à mesure que le soleil s’élève, que ses rayons prennent plus de perpendicularité, & par conséquent plus de force, c’est le cas de commencer à arroser dans la soirée, & le moment le plus favorable est celui où le soleil se couche. En cela vous imiterez l’ordre de la nature, puisque ce moment est celui où la rosée commence à tomber. Si pendant l’été on arrose dans la matinée, le soleil aura bientôt pompé l’humidité répandue sur la surface de la terre, & elle n’aura même pas le tems de pénétrer jusqu’aux racines des plantes, pour peu qu’elles soient profondes. La terre se durcira, formera une croûte, se gercera, & même par ces gerçures, le peu d’humidité renfermée dans la terre s’évaporera. Si on arrose vers le midi, outre les inconvéniens dont on vient de parler, il est à craindre que le soleil ne brûle les feuilles. La moindre goutte d’eau réunie en globule fait l’office d’une loupe ; elle rassemble les rayons ; & au point du foyer, la partie qui y correspond est sur le champ calcinée. Mais comme ces globules sont souvent très-multipliés, on ne sera plus surpris du desséchement presque subit d’une ou même de toutes les feuilles. On voit beaucoup d’exemples pareils dans les provinces méridionales, si on n’arrose pas par irrigation.

En hiver, au contraire, il faut arroser lorsque le soleil a dissipé la fraîcheur de la surface de la terre ; ses rayons plongeant alors sur une ligne oblique, n’ont pas la même activité des rayons de l’été. L’humidité sera très-peu évaporée ; & par une chaleur douce, elle aidera la fermentation des sucs, leur dilatation, enfin leur ascension dans les plantes.

Règle générale ; on peut dire d’un jardin potager, ou d’un parterre, qu’il est bien entretenu, lorsque le fond de terre ne souffre