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çus. Peu-à-peu ces préposés, qui n’exerçoient leurs fonctions que tant qu’il plaisoit au prince, trouvèrent le moyen de se perpétuer dans leurs offices, en s’en emparant d’abord pendant leur vie, & depuis en les transmettant à leurs héritiers.

On imagine bien qu’ils ne négligèrent pas de s’approprier les différens avantages attachés à leur charge. Ils firent plus, comme l’oubli de toute règle, de toute loi, eût amené la barbarie dans notre France, qu’ils rendirent la justice à leur guise, & quelquefois sur des principes les plus extravagans, ils se crurent en droit de créer des redevances, & d’imposer à leurs vassaux des obligations souvent aussi singulières que la façon dont ils jugeoient.

Car long-tems ils jugèrent eux-mêmes ; mais aujourd’hui les seigneurs, c’est-à-dire, les représentans des usurpateurs primordiaux, dont le tems a légitimé les propriétés, non-seulement ne jugent plus en personne, mais semblent être généralement persuadés qu’il leur est défendu de le faire.

Cependant il n’y a point de loi qui interdise aux Seigneurs, qui seroient aptes, idoines, reconnus tels, & reçus par les officiers d’une justice royale, de rendre des jugemens dans leur jurisdiction. On cite, il est vrai, un arrêt du parlement de Provence qui prohibe cet usage ; mais un arrêt n’est pas une loi ; le roi seul dans le royaume a le droit d’en promulguer.

Quoi qu’il en soit, les seigneurs nomment toujours un officier assez généralement appelé Bailli, pour exercer les fonctions de magistrat dans leurs terres ; & c’est à cette sorte de magistrats que cet article est destiné.

Il y a trois sortes de justices seigneuriales : la haute, la moyenne & la basse.

À laquelle des trois qu’un officier soit commis, il est essentiel qu’il connoisse ses devoirs à l’égard du seigneur, & des justiciables sur le sort desquels il influera plus qu’il ne sauroit s’imaginer.

C’est dans la méditation des loix, des ordonnances, & des coutumes, qu’il puisera ces connoissances. C’est dans les réflexions sur le bien qui peut en résulter, qu’il trouvera à les augmenter. C’est en se pénétrant du desir d’opérer ce bien tout entier, qu’il en acquerra le complément.

Les loix lui apprendront : « qu’il ne doit jamais se croire plus sage qu’elles ; qu’il doit prononcer selon les preuves & les allégations, & n’accorder rien outre ce qu’on lui demande ; qu’il ne peut revenir sur ses pas ; qu’il n’a d’autorité que dans son territoire ; & surtout elles lui apprendront qu’il faut qu’il s’occupe d’elles. »

Il saura par les ordonnances : « que le seigneur qui l’a nommé peut le destituer purement & simplement, mais non d’une manière injurieuse ; qu’il peut juger entre lui & ses vassaux, pour tout ce qui concerne les domaines, droits & revenus, ordinaires ou casuels, tant en fief que roture de la terre, même des baux, sous-baux & jouissances, circonstances & dépendances, soit que l’affaire se poursuive au nom du seigneur ou en celui de son procureur fiscal ; qu’il ne peut connoître d’aucun autre objet intéressant personnel-