d’un mineur. Une ordonnance rendue par S. Louis, en 1228, appelle indifféremment bajulus ou ballivus le même officier.
Ce n’est pas pour faire parade d’une vaine érudition que nous indiquons ici l’étymologie de ce terme, puisque notre dessein n’est que de parler des baillis seigneuriaux, bien moins éminens en dignité que ceux qui portèrent d’abord ce titre ; mais, pour faire sentir que, quoique restreintes, leurs fonctions n’en sont pas moins importantes.
Ils distribuent la justice au peuple de la campagne ; la justice, seul bien du pauvre, qui le console, qui le soutient, qui lui aide à supporter avec courage les travaux les plus rudes, parce qu’elle sert de sauve-garde à sa foiblesse, de savoir à son ignorance ; parce qu’elle fait disparoître toutes les inégalités ; parce qu’aux yeux du bailli le seigneur doit descendre au rang du vassal, ou le vassal s’élever au niveau du seigneur.
Autrefois les seigneurs eux-mêmes rendoient la justice. Cette obligation admirable dérive nécessairement de l’institution de la société. Aussi-tôt que plusieurs hommes furent rassemblés, s’ils préférèrent de voir régler leurs volontés privées par la volonté de l’un d’eux, à l’embarras toujours renaissant de débattre & de résoudre sans cesse ce que devoit faire chaque individu ; ce fut certainement parce qu’ils crurent celui qu’ils choisissoient plus éclairé qu’eux sur l’intérêt général, & sur-tout parce qu’ils furent persuadés que, dans son cœur, cet intérêt général l’emporteroit constamment sur l’intérêt particulier, fût-ce le sien propre.
C’est à l’abandon de son intérêt particulier qu’il faut rapporter les différens genres de services qu’ils s’empressèrent à lui rendre. Ce fut d’abord un tribut que la reconnoissance payoit à la générosité ; le chef de la société ne pouvoit pas s’oublier absolument pour elle, qu’elle ne s’occupât essentiellement de lui. Il entra donc en partage dans toutes les jouissances qu’il assuroit aux autres, & ces diverses prestations une fois établies, celui qui remplaça, à quelque titre que ce fût, le juge, le directeur de la société, les recueillit, les conserva, les transmit à son successeur.
Rien de plus pénible, rien de plus excessivement fatigant que la condition de juge dans son état primitif. Avoir sans cesse l’œil ouvert sur ce qui se passe parmi ceux que leur confiance absolue tient dans une sécurité parfaite ; réprimer les attentats, punir les forfaits, contenir le vice, en étouffer le germe ; fixer, au milieu de la société, la paix, le repos, le bonheur ; voilà quel dut être le but de son application constante.
On trouve, dans le livre de Job, un beau portrait du juge[1]. « J’étois, dit-il, le libérateur de l’infortuné qui crioit vers moi, le soutien du pupille qui n’en avoit point ; je consolois le cœur de la veuve, & la bénédiction
- ↑ Cap. 29.