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le linge est sans consistance & ressemble à du chiffon, le papier le mieux collé laisse percer l’encre, &c. Or, si cette humidité, assez commune pendant l’hiver, le long des côtes de la méditerranée, agit avec tant de puissance sur les bois, comment n’agira-t-elle pas sur l’avoine ? À cette époque, pesez une livre de grain, repesez-la quinze jours après, & vous jugerez de la grande disproportion de son poids. Le seul bon sens démontre la nécessité de remuer souvent l’avoine, de lui faire changer de place aussi souvent qu’au blé, & sur-tout de la tenir dans un lieu sec où règne un grand courant d’air pour dissiper l’humidité ; l’avoine s’en conservera mieux, elle sera alors une nourriture saine pour les animaux, & ils seront sujets à beaucoup moins de maladies.

En agriculture le chapitre des abus est plus étendu que celui des pratiques utiles. C’est au propriétaire que je vais parler : si vous voulez conserver de l’avoine ou pour les semences, ou pour la nourriture de vos animaux, ne la semez jamais sans l’avoir laissé sécher au soleil pendant plusieurs jours, faites-la rigoureusement vanner & cribler, afin de la dépouiller de toute terre, de toute poussière, de toute paille ou balle inutiles, enfin qu’au moment de la porter au grenier, elle soit nette & propre comme le plus beau froment. Servez-vous du moulin à crible ; tout grain mal formé sera chassé au loin, & l’avoine restera nette : avec ces précautions, elle craindra bien moins les effets de l’humidité. Ne vous en rapportez pas à vos valets, leur imagination, trop bornée, ne conçoit pas l’importance de ces petits détails, ou bien leur négligence ou leur insouciance s’y opposent. Il n’est pour voir que l’œil du maître.

VII. De la paille d’avoine considérée comme fourrage. Il y a trois manières de la faire manger aux animaux : ou en verd, ou coupée aussitôt que le grain est formé, & séchée ensuite ; enfin, après avoir retiré le grain, lorsqu’elle a été battue.

1o. De la paille en verd. Cette nourriture plaît beaucoup aux animaux, ils en sont friands au point que si on leur en donnoit à discrétion, ils en seroient incommodés. Elle contient beaucoup d’air surabondant, ou de végétation ; cet air se dégage dans leur estomac, se distend souvent au point de leur occasionner une tympanite, (voyez ce mot) de suspendre toutes les fonctions vitales ; si, au contraire, on leur en donne modérément, cette nourriture leur tient le ventre libre & même les purge doucement ; l’animal reprend ses forces, & l’on est presqu’assuré qu’il supportera les grosses chaleurs de l’été sans en être incommodé.

Le tems de couper cette avoine est marqué par la fleuraison ; dès qu’elle est cessée, dès que le grain est encore tout lait sucré, il faut l’abattre, & ce seroit encore mieux si chaque jour on coupoit la paille que les animaux peuvent consommer. Ce n’est pas le cas de la leur donner aussitôt qu’on l’apporte du champ, il faut un peu la laisser flétrir, autrement il seroit à craindre que cette nourriture leur donnât le dévoiement ; il est bon de leur tenir le ventre libre, mais non pas dévoyé.

La quantité à donner se règle sur