Les avoines coupées un peu vertes, restent couchées sur la terre afin de s’imprégner de la rosée, des pluies, &c. le grain se charge d’humidité, se gonfle, renfle, il paroît bien nourri, pesant, & il ne contient presque que de l’eau. C’est la raison pour laquelle les avoines nouvellement battues sont nuisibles aux animaux, ce qui sera prouvé ci-après.
S’il survient des pluies, le grain renfle davantage ; la paille, si utile pour la nourriture des bœufs, s’altère ; il faut javeler, mettre les javelles en gerbier, la masse s’échauffe, & le grain mûr germe ou pourrit. Si au contraire l’avoine avoit été coupée à sa maturité, on l’auroit presqu’aussitôt javelée, presque aussitôt mise en gerbier, & on n’auroit eu à craindre ni la germination ni la pourriture. Le grain ferme, noir & plein, auroit été plus propre à être long-tems conservé. Voilà comme par une simple opération, faite à propos, on obvie à tous les inconvéniens.
Dès que les gerbes ou javelles sont séches, elles sont en état d’être battues, ou d’être mises en gerbier, si les circonstances l’exigent. La seule précaution à prendre est d’attendre leur parfaite dessiccation, sans quoi elles s’échaufferoient, & le grain & la paille seroient viciés.
VI. Des soins que l’avoine exige dans le grenier. Plus l’avoine aura été coupée ou fauchée verte, plus il est dangereux de l’amonceler, ou de la fermer, surtout si on a eu la manie de laisser pendant long-tems la plante exposée sur terre aux rosées ou à la pluie. Le bon grain, le grain vraiment farineux, est imbibé d’eau ; il contient une portion sucrée ; le suc uni à l’eau est susceptible de fermentation, surtout quand elle est aidée par la chaleur de la saison. Le grain s’échauffe, & même il germe ; bientôt tout le monceau éprouve une chaleur considérable, & la partie farineuse est consumée en pure perte. On a vu, en 1769, un fermier de Neuilli, près Joigny, après avoir battu ses premières avoines, les mettre dans un coin de sa grange en un seul tas, & après avoir récolté à part celles qui n’avoient pas été mouillées dans les champs, & qu’il se proposoit de semer, les jeter sur le premier monceau ; il crut ne rien risquer en entassant ces dernières sur les premières, & il est arrivé que la chaleur des avoines de dessous a consumé le germe des bonnes avoines qui étoient dessus, & en a détruit la fécondité, sans qu’il parût à l’extérieur aucun changement au grain. Si l’avoine supérieure a été détériorée dans sa substance au point de ne pas germer après avoir été semée, combien n’a donc pas été plus terrible la détérioration de l’avoine inférieure ? Il y a plus, ce grain est devenu une nourriture très-dangereuse pour les animaux.
Les grains vides, ou au quart ou à demi-pleins, sont également susceptibles de la fermentation, peut-être même davantage que les grains bien farineux. Écrasez sous les dents un grain bien nourri, bien sec, vous aurez beau le triturer, il ne laissera sur la langue aucun goût sucré ; mais mâchez un semblable grain au moment qu’il germe, le sucre sera développé au point d’y être très-sensible. Ce n’est pas