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coule depuis le moment où l’avoine est mûre jusqu’à celui où elle sera mise à bas, prenez un plus grand nombre de moissonneurs, & l’ouvrage sera plutôt fini. Je multiplie, il est vrai, la dépense apparente, mais je conserve les produits qui excédent cette dépense. Toute moisson traînante, toute vendange trop long-tems continuée, sont une perte réelle pour le cultivateur. Cette maxime mérite d’être mûrement réfléchie. Ne vaut-il pas autant faire dans quatre jours, avec plus d’ouvriers, ce que l’on fait dans huit avec la moitié moins. Grain serré vaut mieux que grain sur pied. En effet, chaque jour le cultivateur tremble que le bien dont il est au moment de jouir, ne soit enlevé par une grêle, ou renversé avec sa tige par un orage, par des pluies, & ces exemples sont malheureusement trop communs. Qu’il est douloureux pour une ame sensible d’être le témoin des angoisses perpétuelles qui agitent le fermier ! Le moindre vent, le plus léger nuage, tout en un mot excite ses craintes & ses alarmes ; mais qu’il est consolant, après que ses greniers sont pleins, de voir l’air de joie & de contentement peint sur son visage ! Il mesure des yeux la masse des grains, sourit à sa vue, & il dit à ses enfans : Voilà notre ouvrage, & la juste récompense de nos peines & de nos travaux ; labourons de nouveau afin que la récolte de l’année prochaine soit aussi abondante.

3o. De la coupe à la faux. Il y a deux espèces de faux, l’une simple, & c’est celle dont on se sert pour les foins, & la même faux accompagnée de sa garniture, (voyez le mot Faux) & les différentes espèces connues en France ou ailleurs.

Le travail à la faux simple est plus expéditif que celui de la faucille ; celui de la faux armée a l’avantage sur la faux simple de ranger les épis & de les étendre par terre tous également sur une ligne droite, de manière qu’il est facile de les javeler, & l’opération est très-prompte.

Toute espèce de faux a le désavantage de scier par saccade, & le contre-coup fait beaucoup égrener. Afin d’éviter cet inconvénient, on est tombé dans un plus considérable, celui d’être forcé de couper l’avoine dès que la couleur des tiges est changée du verd au blanc, ou au jaune très-pâle, & il en résulte que le grain n’est pas assez mûr, &c.

4o. De la coupe à la faucille. Pourquoi coupe-t-on le froment à la faucille ? parce qu’on ne le donne à couper aux moissonneurs que lorsque l’épi & la paille ne tirent plus aucune subsistance de la terre, & lorsque le grain ne commence plus à être si étroitement serré dans les enveloppes qui lui ont servi de berceau, & l’ont défendu contre les intempéries des saisons. Il est formé, il est mûr ; la tige & l’épi ne concourent plus à sa conservation. D’une main, le moissonneur tient une poignée de tiges, & de l’autre, en décrivant un cercle avec la faucille, il coupe ces tiges, sans contre-coup & sans secousse, & le grain reste renfermé dans sa balle. Il en arriveroit autant au grain d’avoine si on employoit la faucille ; malgré cela, dans les provinces où l’on se sert de la faucille, on a la fureur de couper les avoines trop vertes.