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l’enveloppent. Quant à la forme de l’avoine de Hongrie, elle est très-différente de celle de nos avoines de France ; les premières feuilles qu’elle pousse sont plus larges, plus longues & d’un verd plus foncé ; le tuyau qui succède est plus gros & plus long du double au moins ; l’épi est encore bien différent, le grain s’y arrange d’un seul côté en forme de vergettes, & les filamens qui les portent, se tiennent serrés contre la principale tige. Au reste, la culture de cette avoine est la même que celle de l’avoine ordinaire ; elle se plaît dans les mêmes endroits, mais en bonne terre sur-tout ; & dans une terre un peu fraîche, la supériorité en est pour lors plus apparente. On cultive cette avoine dans la Franche-Comté, & depuis fort long-tems dans la partie du sud-est de la Lorraine ; elle y a très-bien réussi, dit un gentilhomme cultivateur de cette province, dans les terrains légers, sablonneux & humides ; les brouillards & les nuages des montagnes, procurent en été, aux coteaux & aux plaines qui les avoisinent, une abondante rosée qui fait monter l’avoine jusqu’à quatre pieds de haut. Dans les plaines éloignées des montagnes, l’avoine ne vient belle qu’autant que les plaines sont à la proximité des eaux, à moins que l’année ne soit pluvieuse ; d’où il faut conclure qu’un peu d’humidité est avantageuse à l’avoine de Hongrie. Lorsqu’elle est coupée, les rosées abondantes la font refaire en peu de jours (terme usité dans le pays). Il faut la mettre en gerbe de fort bonne heure, avant que le soleil ait produit ses rosées ; elle en devient plus facile à s’égrener lorsqu’on la bat. Plusieurs laboureurs des environs de Lunéville en ont semé ; mais elle a dégénéré dès la troisième année, au point que les épis sont entièrement devenus semblables à ceux de la variété, que nous nommons avoine blanche. »

» J’ai cueilli, ajoute un cultivateur, dans leur pleine maturité, quelques épis qui avoient conservé leur première nature, quoique néanmoins l’avoine eût été semée pour la quatrième fois sur le même terrain où l’on avoit prétendu qu’elle dégénéroit. J’ai semé ma graine au printems, tous les épis ont donné leurs graines du même côté, & ils ont produit d’aussi belle semence que celle qui avoit été envoyée de nos montagnes. Je pense donc, que pour avoir de la bonne semence, il faut couper toutes les espèces d’avoine dans leur maturité, & ne les laisser javeler que trois ou quatre jours au plus. L’avoine de Hongrie est plus sujette à s’égrener sur le champ, que les autres espèces ; c’est pour cette raison qu’il faut la fauciller comme le blé ; il lui faut aussi plus de semence parce qu’elle est plus grosse ; le pied de la plante conservera mieux sa fraîcheur, & donnera des épis plus longs. »

» Semblable à l’avoine nue, elle donne peu de son, & je la crois propre à faire du gruau & de la bière ; le grain en est plus dur que celui des autres espèces. Bien des chevaux ne peuvent en manger ; en général, ils ne s’en soucient pas même beaucoup. Cette avoine est excellente pour engraisser les bœufs, les porcs, la volaille, pourvu qu’elle soit moulue relativement à l’usage auquel on veut l’employer. La paille est plus grande que celle des