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passe-tems & le plaisir de les arrêter, de les pincer ? Les mots ne manquent pas pour cette absurde castration.

On dit, arrêter une vigne, lorsque l’on coupe l’extrémité de ses sarmens ; opération aussi malfaisante que la première. Si elle se fait de bonne heure dans les provinces méridionales, par exemple à la fin de Juin, la portion de sarment qui reste attachée au cep poussera de nouveaux sarmens par ses bourgeons, & ces bourgeons, en se développant, fleuriront, produiront des raisins qui seront mûrs un mois après les autres, si la gelée ne les surprend, & ils donneront toujours un fort mauvais vin. Ne voit-on pas clairement que cette opération dérange l’ordre & le cours de la végétation, & que ce dérangement est en pure perte, même pour le raisin qui survient. Relevez le sarment ; attachez-le à l’échalas, ou contre un autre sarment s’il n’y a point d’échalas ; mais n’arrêtez pas.

Dans les provinces du nord, à quoi cet arrêt servira-t-il à la vigne, à la treille, à l’espalier ? À rien, sinon pour satisfaire le coup d’œil, pour mettre les branches à la même hauteur. Cela ne vaut-il pas la peine de tourmenter le cep & de le bourreler ?

Si dans les unes & les autres provinces cette opération se pratique plus tard, le motif en est aussi ridicule. Encore une fois, attachez & n’arrêtez pas.

On arrête un arbre fruitier : autre absurdité en général ! Respectez la nature qui ne produit rien en vain. Ce que je dis paroîtra un paradoxe, & diamétralement opposé à toutes les loix, sentences & règles prescrites par ceux qui ont traité de la conduite des arbres. Je dirai à ces auteurs & à leurs sectateurs : venez à Montreuil, & voyez. Ses habiles jardiniers sont parvenus, à force d’observations, à connoître les loix & la marche de la nature ; ils aident ses efforts & ne la contrarient point. Tous ces arrêtemens ou pincemens obligent la branche à pousser des branches chiffonnes qu’il faudra abattre à la taille. Il ne valoit donc pas la peine d’arrêter & de faire consommer une bonne partie de la séve en pure perte. Les cas où il faut arrêter sont extrêmement rares. Si un gourmand s’emporte dans le milieu d’un autre en espalier, & sur-tout si le bon bois manque dans cette partie, c’est le cas de l’arrêter, parce qu’il attireroit à lui seul presque toute la séve dont les branches voisines seroient dépouillées ; alors, lorsqu’il aura deux pieds de longueur, ravalez-le à la hauteur d’un pied ; il poussera de nouveaux bourgeons que l’on palissera, & un mois après on les raccourcira encore. Sur l’arbre que vous avez planté, & que vous destinez à former le buisson, ou autrement dit, le vase, le gobelet, &c. s’il ne s’élève qu’une seule branche ou deux, c’est le cas d’arrêter, afin de forcer les boutons inférieurs à donner de nouvelles branches ; mais pour tout arbre formé, attachez, palissez & n’arrêtez pas.


ARRHES, ARRHER. C’est l’argent qu’on donne pour assurer l’exécution d’un marché ; ce qu’on appelle à Paris donner le denier à dieu, soit qu’on achète des che-