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grosses féves, le sarrasin ou blé noir, la luzerne, le sainfoin, le lupin, les raves, les navets, &c. ou ensemble ou séparement, peu importe ; la terre qui tombera en formant la raie suivante, fournira de quoi recouvrir la semence ; & quand même quelques grains ne seroient pas enterrés, la perte seroit de peu de conséquence, puisqu’on ne doit employer que des grains de rebut. On prévoit sans doute que je ne conseille pas ce semis dans la vue d’obtenir une récolte, mais seulement pour multiplier les herbes quelconques.

Ce conseil trop général demande une explication. Dans la partie basse & très-chaude de nos provinces méridionales, les seigles sont abattus à la fin de Mai ou au commencement de Juin, & les fromens du 10 au 25 de ce mois. Dans celles du nord, la fin de Juillet & le commencement d’Août, sont l’époque des moissons. Dans les premières, la chaleur du soleil, aussitôt après la récolte, est d’une si grande activité, que la végétation des plantes est pour ainsi dire suspendue ; & dans les secondes, la saison des pluies arrive trop tôt. Il faut donc, dans le premier cas, attendre jusqu’au commencement de Septembre pour donner ce premier labour, ou profiter du moment, si une pluie salutaire rend l’humidité à la terre. En Septembre les nuits sont fraîches, & les rosées assez fortes pour faire germer le grain & le nourrir. Dans les provinces du nord, au contraire, la température plus douce permet de labourer & de semer aussitôt après la moisson. Pourvu que de cette opération il naisse une herbe quelconque, c’est tout ce que le cultivateur peut & doit espérer.

Lorsque l’herbe aura acquis une certaine consistance, labourez de nouveau, & enterrez-la le plus exactement qu’il sera possible. L’époque pour ce second labour est relative à la constitution de l’atmosphère du pays que l’on habite, & elle doit toujours prévenir le moment des gelées.

Si on prend le parti de passer une seconde fois dans la première raie, ainsi que nous l’avons déjà dit, on sèmera sur le premier labour, & la terre du second recouvrira le grain. Si, dans le premier cas, on ne veut pas semer sillon par sillon, on sèmera alors sur le chaume. Cette manière ne vaut pas la première, parce que le grain se trouve enterré sous une trop forte masse de terre.

Voilà déjà une bonne préparation donnée à la terre, qui facilitera son hivernage. Dès que la saison des froids, des gelées ; dès que l’eau des pluies & des neiges sera écoulée ; en un mot, dès que la terre sera en état de recevoir la charrue, semez de nouveau les mêmes grains, & lorsque la majeure partie de l’herbe sera fleurie, labourez profondément avec la charrue à versoir, & enterrez cette herbe. Il est inutile de dire que le labour qui enfouira les herbes venues pendant l’été doit croiser le premier, & celui qu’on donnera après l’hiver, prendre la diagonale des deux premiers, afin que la terre soit labourée & remuée en tous les sens. C’est le moyen le plus efficace pour détruire les mottes.