Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/690

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vue de décourager le propriétaire : ce seroit lui rendre un mauvais service & en même tems à l’agriculture. L’espérance, la patience & le travail doivent être les vertus favorites du cultivateur : sans l’espérance d’une récolte future, il abandonneroit la charrue ; sans la patience, soutenue de l’espérance, il ne supporteroit pas la vue des déplorables effets d’une mauvaise saison ; & sans le travail le plus opiniâtre, la terre refuseroit des dons qu’il faut lui arracher par la force.

Avant de décrire les moyens de rendre l’argile fertile, il convient d’établir un plan de travail, & parler ensuite des moyens.

Veut-on trop entreprendre à la fois, on ne réussit jamais bien ; entreprendre au dessus de ses forces, c’est se ruiner, ou du moins se mettre à la gêne pendant plusieurs années consécutives ; & cette gêne, non-seulement fatigue, mais encore ruine peu à peu. Le tems s’écoule, l’argent emprunté porte intérêt, & l’époque de leur paiement ou du capital est plus promptement survenu que les secours ou les facilités du remboursement. L’immortel Francklin fait dire avec raison par son bon homme Richard, que les créanciers sont des personnes qui connoissent le mieux les époques & les dates de l’almanach. N’entreprenez donc rien, si vous n’en avez les facilités, même sans toucher aux produits d’une année, qu’il est sage d’avoir toujours d’avance : c’est la seule façon de travailler avec avantage. Que de gens peu réfléchis taxeront ces conseils de paradoxe ! Avant de les condamner, je leur demande de les examiner attentivement, & d’en tirer les conséquences qui en dérivent.

Un propriétaire intelligent jette un coup d’œil sur toute la partie d’argile qu’il veut améliorer, & calcule le travail qu’exige son champ ; enfin, à combien montera la dépense totale, & il doit toujours caver au plus fort. Alors, consultant ses moyens, il juge de la quantité de terre qu’il peut améliorer, sans toucher à ses avances d’une année ; son champ est distribué en parties égales, & chaque année il remplit scrupuleusement la tâche qu’il s’est imposée, jusqu’à ce que le champ entier soit mis en état. Cet arrangement partiel ne nuira point à la culture générale, suivant la coutume du canton ; & ce seroit une erreur grossière de ne point labourer & semer avant que l’amélioration totale soit achevée. De cette manière, le cultivateur ne perdra aucune récolte ; & il vaut encore mieux en obtenir de médiocres que rien du tout.

Les moyens d’amélioration se réduisent, 1o. aux labours ; 2o. aux semis de plantes pour être enfouies ; 3o. aux fumiers ; 4o. aux mélanges avec le sable ; 5o. enfin, à brûler les argiles, pour rendre la terre moins compacte & plus perméable à l’eau.

Avant d’entrer dans aucun de ces détails, il faut que le propriétaire connoisse l’épaisseur de la couche de glaise sur laquelle il doit opérer. Si la couche, par exemple, n’avoit qu’un pied de profondeur, le travail le plus utile & le plus avantageux en même tems, seroit de la rompre, & de mêler la terre de la couche inférieure avec celle de la