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I. De l’Argile en général, & de ses usages pour les Arts.


L’argile est une terre très-abondante, répandue sur presque toute la surface du globe. Mêlée plus ou moins avec les terres propres à la végétation, elle en fait une portion essentielle. Il est donc bien intéressant à un agriculteur de connoître & sa nature & ses propriétés. Les arts en empruntent de grands secours ; préparée & façonnée par des doigts industrieux, elle prend toutes les formes utiles & agréables qu’on veut lui donner. Mais toutes les argiles ne sont pas propres à remplir les objets que l’on desire. Une variété prodigieuse dans leurs qualités, annonce que mille substances différentes se trouvent mêlées avec l’argile proprement dite. Souvent ces substances étrangères contrarient directement les vues que l’on se propose en se servant de cette terre. De quelle importance n’est-il donc pas à l’artisan de la campagne de distinguer la bonne non-seulement de la mauvaise, mais même de celle qui n’est que d’une nature médiocre ? Un mauvais choix entraîneroit des défauts dans ses ouvrages, que rien ne pourroit corriger.

Nous allons tracer les propriétés générales & caractéristiques de l’argile la plus parfaite en général ; celles qui en approcheront le plus de qui en réuniront davantage, devront toujours être préférées.

1o. L’argile se présente ordinairement en masse dense & compacte, par lits ou bancs ; un morceau de bonne argile se polit par le simple frottement contre un autre corps poli ; mis sur la langue, il y happe plus ou moins fortement.

2o. Humectée d’eau, elle s’en imbibe insensiblement, se gonfle & se délaye avec la plus grande facilité dans ce fluide.

3o. Quand elle n’a que la quantité d’eau nécessaire, on peut la réduire en une pâte de consistance moyenne ; elle jouit alors de beaucoup de ductilité, c’est-à-dire que toutes ses parties peuvent changer de place respectivement les unes aux autres sans se désunir. C’est à cette propriété qu’on doit la facilité avec laquelle on peut lui faire prendre toutes les formes qu’on veut, soit sur le tour, soit dans des moules.

4o. Si l’on jette dans un feu assez vif un morceau d’argile, il décrépite & saute en éclats avec grand bruit. L’eau que l’argile retient ordinairement entre ses molécules, raréfiée tout d’un coup par la chaleur, produit cet effet. Cette décrépitation n’auroit pas lieu, si l’argile contenoit assez d’eau pour être molle, ou si elle n’étoit exposée qu’à une douce chaleur ; alors elle se dessécheroit simplement en prenant de la retraite. Cette retraite est souvent cause qu’elle se fend au feu.

5o. Au feu le plus violent, l’argile pure ne se fond point ; elle se durcit seulement au point de faire feu avec le briquet. Mais il est très-rare de trouver de l’argile assez pure pour être réfractaire ; mêlée ordinairement avec de la terre calcaire, elle devient fusible.

6o. Quoique les acides n’attaquent point l’argile avec cette effervescence que l’on remarque dans