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les autres ouvrages en ce genre.

C’est par l’anus que les araignées tirent leur fil ou soie, qui sort par plusieurs mamelons, comme par autant de filières. Ces soies traversent, par son moyen, les rues, les chemins & les rivières. Il y a deux espèces de soie dans l’araignée qui porte des œufs ; la première qu’elle devide est plus foible, & ne sert qu’à cette espèce de toile dans laquelle les mouches vont s’embarrasser. La seconde est beaucoup plus forte que la première, & sert à envelopper les œufs, à les défendre du froid, des injures de l’air & de l’attaque des autres insectes. Ces cocons ont été employés par M. de Bon, à tirer une soie nouvelle, comme les cocons de vers à soie servent à faire la soie ordinaire.

La fécondité des araignées est surprenante ; elles multiplient beaucoup plus que les vers à soie ; chaque araignée pond cinq ou six cents œufs ; quinze jours après qu’ils ont été pondus, ils éclosent ; l’époque est au mois d’Août ou en Septembre, & leur mère meurt peu de tems après. Les petites araignées qui sortent de ces œufs vivent dix à onze mois sans manger, sans diminuer de volume & sans acquérir ; elles se tiennent toujours dans leur coque, jusqu’à ce que la grande chaleur les oblige d’en sortir. C’est sans doute pour se dédommager d’un si long jeûne, qu’elles sont dans la suite voraces au point de se manger, de se dévorer les unes & les autres, si elles ne trouvent pas à se nourrir de mouches, d’insectes, &c.

M. de Réaumur, d’après les éducations d’araignées de M. de Bon, en a essayé de semblables, & il en rend compte dans les volumes de l’académie des sciences de Paris. Dans les mois d’Août & de Septembre, il mit de grosses araignées à jambes courtes dans des cornets de papier, ou dans des pots recouverts d’un papier percé de trous d’épingle ; c’est dans ces espèces de prisons qu’elles font leur cocon. Les mouches qu’on leur donne sont leur nourriture. M. de Réaumur a tenté vainement de les nourrir avec des substances végétales ; tous les insectes sont de leur goût, & l’extrémité des plumes arrachées nouvellement des oiseaux, & encore sanglantes, sont un mets qu’elles mangent ou sucent avec le plus grand plaisir. Une pareille éducation donneroit, si on vouloit l’exécuter en grand, plus d’embarras que de profit. Il faudroit également faire une éducation de mouches pour les nourrir.

M. de Bon a retiré quatre onces de soie de treize onces de cocons. Il fit battre légérement pendant quelque tems avec la main & avec un petit bâton, ces treize onces de cocons, afin d’en chasser la poussière ; ensuite il les lava dans l’eau tiède, & la changea jusqu’à ce qu’elle fût nette. Ils furent jetés dans un grand pot rempli d’eau de savon, dans laquelle il avoit fait dissoudre du salpètre & de la gomme arabique. Le tout bouillit à petit feu pendant deux ou trois heures, & les cocons furent, après cette opération, lavés dans l’eau tiède jusqu’à ce que l’eau savoneuse fût dissipée. On les laissa sécher ; on les ramollit un peu entre les doigts pour les faire carder